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girart de roussillon

portier mauvais et endurci, faux chrétien et plus félon qu’un juif. Il avait en garde l’une des portes : c’était son fief. Une fois encore[1] ils l’ont livrée, lui et les siens. Il fit dire au roi par un émissaire déguisé en pèlerin, qu’il pouvait par lui avoir bientôt la porte. Ainsi il trahit son seigneur et perdit Dieu[2].

419. L’épouse de Girart avait pour femme de chambre une vieille femme pleine de méchanceté qui prit les clefs de la porte et les donna au portier, son mari.

420. Le traître était sournois, rusé et fermé. La nuit était sombre : nulle clarté n’y brillait. Il sortit du château par une ouverture et vint au roi, lui disant : « Je ne vous trompe pas : je vous apporte la clef de l’huis de la tour. » Charles, à ces mots, se met en mesure : il prit le comte d’Angers[3] et celui de Clus ; l’un avait mille chevaliers et l’autre plus. Écoutez comme le gredin les guida. Ils cheminèrent si doucement qu’il ne se fit aucun bruit ; personne ne parlait à son voisin, il n’y avait ni chuchottement ni toux, jusqu’à ce qu’on fût au haut de la tour.

421. Quand ils sont dans la tour, ils crient : « Trahis ! » tandis que d’autres appellent le roi en allumant un feu. Girart qui dormait se réveilla : il vit la clarté du feu et ouït le cri ; il s’arma et monta à cheval. Ils n’étaient que quatre ensemble. Girart vint à la porte, l’ouvrit et vit au dehors tant de heaumes brunis ! Il put sortir grâce à la connivence du duc Milon[4].

  1. Allusion à la trahison par laquelle une première fois Roussillon avait été livré à Charles ; voy. §§ 60 et suiv.
  2. Sur l’expression « perdre Dieu », c’est-à-dire l’espoir de la vie éternelle, voy. la Chanson de la croisade albigeoise, I, note sur le v. 3473 ; cf. B. de Ventadour En cossirier, coupl. 4 (Ged. d. Troub., n° 115).
  3. Le comte Jofroi d’Angers, voy. p. 41, n. 4, et cf. § 154 ; mais le suivant m’est inconnu. Ce ne peut être Amadieu de Val de Clus ( § 144), qui est tué au § 146.
  4. Le Milon d’Alui du § 129 ? ou est ce le duc Milon d’Aiglent sur