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sieurs années d’un labeur souvent interrompu par l’accomplissement de devoirs plus impérieux.

Il pourra sembler bizarre qu’on croie pouvoir traduire un ouvrage dont il n’existe pas d’édition satisfaisante, et dont on ne se reconnaît pas capable d’établir le texte avec certitude. Je dois à cet égard quelques explications.

La principale difficulté, en ce qui touche l’établissement du texte, vient de ce que le poème est écrit dans un langage dont on ne possède aucun autre monument. La particularité de cet idiome ne consiste pas seulement en ce que, d’accord pour beaucoup de ses caractères avec la variété du roman qu’on connaît sous le nom de provençal, il admet nombre de formes qui paraissent se rattacher plutôt au français : il y a encore cette singularité que les mêmes mots revêtent tantôt la forme provençale et tantôt la forme française. Assurément, si nous possédions le manuscrit autographe du poème, ou du moins une copie fidèle de cet autographe, la tâche serait aisée. Il n’y aurait qu’à reproduire exactement le texte avec toutes ses inconséquences. Mais il n’en est pas ainsi. Aucun de nos manuscrits n’est exempt des inconséquences auxquelles je viens de faire allusion, mais ils ne les présentent pas toujours dans les mêmes passages. J’ai donné dans un appendice de l’introduction plusieurs exemples des contradictions dont la langue du poème abonde, et j’ai essayé de montrer quelles inductions on en peut tirer pour déterminer la région d’où l’auteur était originaire ; mais, dans un grand nombre de cas, je ne suis pas encore en état de me décider entre telle forme et telle autre. Cela étant, on conçoit que je devais surseoir à l’établissement du texte.

Mais l’incertitude qui règne sur certaines questions