dans la vie latine qu’une matière très sèche, il a justement pensé qu’il n’y avait pas plus d’inconvénient à nourrir son récit par des emprunts faits à la chanson, qu’à inventer lui-même. Il a donc tiré de celle-ci beaucoup de détails ; il lui a pris un certain nombre de personnages. Mais aucune chanson de geste n’a jamais obtenu, au moyen âge, l’autorité qui s’attachait aux textes latins. D’ailleurs il y avait dans la chanson, qui elle-même était le remaniement d’un poème du xie siècle, bien des faits, bien des noms qui, au xive siècle, ne pouvaient plus intéresser personne. Aussi a-t-il traité les données qu’il lui empruntait avec beaucoup de liberté, tandis qu’il ne modifie guère celles qu’il tire de la vie latine. Il ne s’est pas fait faute notamment d’introduire dans son récit un grand nombre de noms appartenant à des familles bourguignonnes de son temps, augmentant ainsi, dans une notable proportion, les chances de succès de son œuvre. Cette œuvre, prise pour ce qu’elle est, n’est assurément pas dépourvue d’intérêt. C’est un poème sui generis, se rattachant à l’épopée, mais n’ayant presque aucun des caractères de la chanson de geste. C’est un document curieux de la littérature du xive siècle, mais il n’y a rien à en tirer pour l’histoire de Girart de Roussillon, personnage légendaire, ni, à plus forte raison, pour celle du comte Girart, personnage historique. C’est cependant cet ouvrage de seconde main, dont nous possédons les sources, qui a été la base principale des travaux que certains érudits locaux ont consacrés au Girart de la poésie et au Girart de l’histoire[1].
- ↑ Voir notamment le mémoire publié par M. le président Clerc sous ce titre : Gerard de Roussillon, récit du ixe siècle, Paris et Besançon, 1869, 80 p. in-8o (Extrait des Mémoires de l’Académie de Besançon).