Voilà qui n’est conforme ni à la chanson renouvelée qui fait des épouses de Charles et de Girart les filles de l’empereur de Constantinople, ni à la vie latine qui donne pour père à ces deux jeunes filles un certain comte de Sens appelé Hugues[1]. Il n’y a pas ici à tenir compte du compilateur du xve siècle qui traduit, mais n’invente pas. Il faut donc que cette notion, sur l’origine des deux jeunes filles, ait été puisée par ce compilateur soit dans le poème perdu de Charles Martel, soit dans un Girart de Roussillon inconnu. Les deux hypothèses se confondent, en ce sens que l’auteur du poème perdu sur Charles Martel a lui-même puisé dans un Girart de Roussillon plus ou moins différent du nôtre. Or, il ne serait pas impossible, tout bien considéré, que l’idée de donner pour père à Berte et à Elissent[2] un roi de Hongrie, appelé Oton, remontât, à travers un ou plusieurs intermédiaires, à la chanson primitive. Au § 515 de la chanson renouvelée[3], nous voyons Girart manifester l’intention de se rendre en Hongrie, auprès du roi Oton. D’où lui vient cette idée ? Que ne cherche-t-il plutôt un asile auprès de l’empereur de Constantinople son beau-père ? Mais sa décision s’expliquerait le plus naturellement du monde si son beau-père était en réalité le roi Oton. Il se pourrait donc que le renouveleur eût conservé par inadvertance, au § 515, un détail qui, dans la chanson primitive seulement, avait sa raison d’être.
Laissons ces questions, qui ne peuvent être encore dé-