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ii. — histoire de charles martel

plaist, mais vous n’avez pas trop mauvaise cause, quy la verité en diroit. Car avecques moy vous usez voz jours en trop grant misere, en grant chetiveté et en povre mendicité, quy estes de tant noble estration, comme fille de roy que l’on deust selon raison servir noblement en accomplissant voz bons plaisirs et souhais. Si vous conseille, et autreffois vous en ay requis, que vous me laissiés seul endurer et porter le mal que je meismes par mon trés grant oultrage ay acquis et desservy, et vous retraiés par devers vostre suer la royne, laquelle, comme je pense, se bonne foy et vraie nature ne sont en elle faillies, vous (fol. iiijc lxxiiij) recepvera benignement, considerant que vous estes son ainsnée, et tant fera envers le roy qu’il pour son honneur vous baillera estat pour vivre vous et vos servans bien et honnourablement. Si vous convoieray jusques en France la ou nulz ne me sçavroit jamais en tel estat comme je suis recongnoistre, et je demourray par de la attendant la grace de Dieu et de fortune qui se pourra par adventure tellement tourner en aucun temps que je parvendray a ce que je ravray de quoy guerroier Charles Martel que jamais mon cœur ne pourroit aymer, pour mourir en mendiant et en demendant mon pain. »


Berte répond en protestant que jamais elle ne quittera son époux. Tous deux reviennent tranquillement à Aurical et la vesquirent ainsi comme ilz avoient accoustumé ».

Peu après, Girard, obsédé par la haine qu’il portait à Charles Martel, eut comme un accès de folie. Un jour qu’il était dans le bois, il devint furieux, arracha une branche de chêne et se mit à batailler contre les arbres avec tant d’acharnement « que a celle heure, se il eust rencontré les deables de enffer, l’istoire croist que il se feust a eulx combattu (fol. iiijc lxxv). » Quatre ribauds, qui l’avaient pris en haine, choisirent assez malheureusement ce moment pour fondre sur lui. Girart en assomma trois, le quatrième réussissant à s’échapper. Berte, informée de cette aventure, comprit qu’à la suite d’une telle affaire, son époux