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girart de roussillon

13. « Sire, » dit le pape, « vos affaires sont en bon train, mais pour cela, ne brisez pas notre convention. Charles m’a juré qu’il prendrait ta[1] fille Berte si tu y consentais ; l’autre, tu ne peux la donner à un plus vaillant que Girart, ce duc à qui je l’offre[2]. — À ta volonté, » reprend l’empereur en riant. « Mais d’abord, vous, évêques, abbés et barons, viendrez en ma cité et prendrez logement avec moi ; ensuite, je ferai tout ce qu’il vous plaira. »

14. Les cent barons montent sur les mulets ; chacun n’ayant à sa suite que trois personnes : le chambellan, le cuisinier, le garçon. En tête marchent le pape et le duc Girart, et les docteurs savants en tous les arts. Girart prie chacun de se hâter. Puisque l’empereur est en paix de tous côtés, le hardi ne vaut pas plus ici que le couart. Un Longobard[3] les guide dans la cité, où ils trouvent nobles gens aux sentiments généreux.

15. Dans le bourg Sainte-Sophie, près du moutier, l’empereur fait héberger chacun en riche demeure. Là, vous auriez vu les étoffes neuves de soie étendues sur le sol, et tant d’épices répandre une bonne odeur ; c’est du baume qu’il fait brûler partout[4]. Aucun autre roi ne serait assez riche pour

    fait probablement allusion aux victoires qu’il a de son côté remportées sur les Sarrazins, voy. § 9,

  1. Comme beaucoup d’anciens poëmes, celui-ci mêle dans les discours les tu et les vous. J’ai conservé dans ma traduction cette particularité.
  2. Par ces mots le pape veut dire tout simplement qu’il se porte garant de l’acceptation de Girart.
  3. Du xe siècle au xiiie environ, on trouve le nom de Longobard (Longobardus, anc. fr. Longuebart) appliqué aux habitants de l’Italie méridionale ou de la Sicile ; voir les textes que j’ai rassemblés à cet égard dans une note de ma traduction du poëme de la croisade albigeoise, p. 67-8. Il est assez naturel qu’un italien du sud ait été choisi pour guide à C. P. Le sud de l’Italie, où il y avait de nombreuses colonies grecques, qui actuellement ne sont pas entièrement éteintes, a été au moyen âge en rapports constants avec Byzance.
  4. On lit de même dans Flamenca, v. 402 et suiv., que le seigneur