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girart de roussillon

air est loyal et prévenant, son teint et ses yeux sont clairs, son visage riant. Par la foi que je dois au Dieu tout-puissant, je préfère Berte à Elissent. Comte, va, prends la femme et tout l’argent, les chevaux, les pailes, les ornements. Si tu veux en avoir fief, terre ou accroissement [de fief], Charles en fera à ta volonté, selon ce qu’il m’a dit, s’il ne m’a pas menti. » Là-dessus Girart est entouré de ses parents : il sera honni s’il consent à prendre de l’avoir [1] : que simplement Charles le tienne quite de son fief, de façon que le comte ne relève plus de lui en rien. À ces mots, Girart s’enflamme,

29. Le pape était un clerc qui savait beaucoup ; il parla avec sagesse et à-propos : « Girart, fais cela pour moi, homme courtois, et parce que je te porte amitié et te veux du bien, et pour l’amour du père (l’empereur de C.-P.) qui est si vaillant, qui nous fait tant d’honneur et de si riches présents. — Mais ce serait pour moi l’avilissement, la honte et le mépris de tous ! — Non, sire, mais un acte généreux, et notre salut à tous, et notre sauvegarde. »

30. « Girart », dit le pape, « fais cela pour moi. — Sire, » dit le comte, « par la foi que je vous dois, je ne veux pas que le roi gagne à mes dépens ; mais, puisque vous le voulez tous, je ne puis que céder : je la prendrai plutôt que de la voir renvoyer. » Girart prend à part Elissent ; avec lui il mena l’abbé de Saint-Remi et Anchier, un riche comte plein de loyauté. « Qui préférez-vous, damoiselle, moi ou ce roi ? — Si Dieu m’aide, cher sire, j’aime mieux toi. — Si vous m’aviez dit un mot orgueilleux ou déplacé, jamais il ne vous eût tenue à ses côtés. Or le prenez, damoiselle, je te l’octroie ; et je prendrai ta sœur pour l’amour de toi. »

31. Girart retourne auprès des barons ; il leur dit sa pensée. « Cet accord m’est pénible et dur ; j’en veux avoir une

  1. L’avoir désigne toujours la richesse immobilière, par opposition aux biens fonds ; voy., par ex., plus bas le § 41.