l’y rejoindre et lui crient : « Fuis d’ici ! de dix mille hommes il ne te reste pas sept cents écus. Point de salut du côté de Roussillon ; ils nous ont enlevé les passages et les voies, les bois, les entrées, les terrains bas. — Suis-je donc perdu ? » dit Charles. — « Non, sire, si tu es habile. Va à Saint-Remi[1], sous l’église voûtée, et là mande tes hommes, appelle-les à ton aide. » Là-dessus le roi s’en va, plein de dépit ; Gace et le comte Joffroi l’accompagnent.
89. Or, s’en va le roi sur Carbonel[2], avec Gace et le comte Joffroi, sous la ramée. Cependant Girart et les siens font le massacre[3]. Ils ont gardé entre les vivants, deux cent quatre vingts hommes possesseurs de châteaux, qu’ils ont mis à part. Puis Girart dit aux siens une parole qui leur plut : « Puisque Dieu et saint Michel nous ont accordé la victoire sur Charles Martel, nous ne devons plus désormais continuer la chasse. Retournons ensemble au château [de Roussillon]. Don Richier de Sordane[4] en a la garde, à qui le roi a donné la terre d’outre Verdel[5]. — Je m’embarrasse peu de ce misérable[6] », dit Fouque, « je lui mettrai au cou un tel carcan qu’il donnera à faire au gibet de Montsorel ! » Il place l’écu devant lui, en chanteau[7] ; ils
- ↑ Saint-Remi de Reims.
- ↑ Son cheval.
- ↑ Le massacre des blessés ou des prisonniers, après la victoire.
- ↑ Voy. §§ 60, 61.
- ↑ D’otra Vezel, P.
- ↑ Fradel (P. v. 809, cf. v. 8132) est vraisemblablement analogue pour le sens au fr. frarin, l’un et l’autre étant également dérivés de frater.
- ↑ Je conserve cette expression du moyen âge, qui naturellement n’a pas de correspondant en français moderne, puisque l’idée même n’existe plus, les boucliers étant hors d’usage ; « en chanteau » exprime la même chose, avec plus de précision, que « devant soi », c’est-à-dire, comme l’explique avec raison Gachet (Glossaire du Chevalier au
de Rolant, 106, 2883, etc. ; « Jofroi l’Angevin » est père de Gaidon, dans ce poëme consacré à ce dernier personnage.