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girart de roussillon

tous. Et si tout cela n’est pas comme je vous l’ai dit, j’en ferai la preuve et la défense[1]. Si j’ai tort, je ne veux pas qu’on en fasse accord[2]. » À ces mots, il tendit son gant plié[3].

120. « Seigneur, [reprit-il,] prenez ce gant que je vous tends : de la part de Girart, mon oncle, je vous offre droit. S’il vous a fait tort à son escient, il vous en fera droit à votre discrétion. Nous serons comme otages cent chevaliers, dont pas un ne mentirait pour or ni pour argent. — Malheur sur moi, » dit le roi, « si je prends ce gant, jusqu’à ce que j’aie forcé par les armes Girart à se taire ! — Ce ne sera pas tant qu’il vivra, » répond Fouque ; mais d’abord, faites-lui droit tout le premier. Celui qu’on accuse de félonie, s’il ne se défend, n’est pas digne de tenir terre ni apanage. Vous l’avez fait parjurer, lui et les siens : c’étaient des comtes, des ducs, des hommes sages, et le pape lui-même qui tient Rome. À Constantinople, on l’a entendu, ils jurèrent que vous prendriez en mariage la fille du riche empereur, et que Girart prendrait sa sœur. Les siens le jurèrent pour lui. Ils s’en revenaient joyeux lorsque vous vîntes à leur rencontre à Bénévent[4]. Celui-là est vraiment traître à ses propres yeux qui laisse sa femme et prend celle d’autrui, comme tu as fait de la tienne, roi mécréant, en enlevant à Girart celle qui l’ai-

    oi ; c’est pourquoi j’ai traduit Montalois. Peut-être est-ce une corruption du Mont-Laçois, lieu sur lequel voy. p. 27, note 4.

  1. C’est-à-dire : je le prouverai par le duel
  2. Il s’engage, s’il est vaincu, à subir les conséquences de sa défaite, et repousse d’avance toute idée de composition.
  3. D’autres témoignages constatent l’usage de présenter plié l’objet qui constituait le gage, notamment le gant, ainsi dans Rolant, v. 2677 : « Si l’en dunez cest guant ad or pleiet », c. a d. donnez lui plié ce gant orné d’or. Voy. encore Du Cange, plicare vadia, V, 309, et vadium plicare, VI, 719 a, Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris, III (1876), 129-30, Raoul de Cambrai, p. 212, v. 4.
  4. Voy. ci-dessus §§ 17, 24.