mait. Vous n’avez pas de calomniateur à la langue affilée, que je ne sois prêt à rendre mort ou recréant[1] s’il ose se présenter pour votre champion ! — Malheur sur moi, » dit le roi, « si maintenant j’accepte le défi ! Il viendra, un temps où vous aurez assez de douleur, quand sur le champ de bataille seront étendus cent mille de vos plus vaillants hommes. — Sais-je, » dit Fouque, « si le roi dit la vérité ? Nous attendrons un mois entier. »
121. Alors parla don Fouque ; il était tout près du roi : « Écoutez, francs chevaliers ! La guerre de Girart ne sera pas un jeu. Il ne s’agira pas d’enlever des vaches ni des bœufs : le comte ne prendra cité qu’il ne la brûle, ni si bon chevalier qu’il ne le pende ; jamais on n’aura vu terre aussi dévastée par la guerre ; et moi, par qui cette guerre est déclarée, j’en éprouve une vive douleur.
122. — Par mon chef ! » dit le roi, « de cela je n’ai soin. Fouque, je me soucie de vos menaces comme d’un coing. Tout chevalier que j’aurai pris, je le honnirai, je lui couperai le nez ou les oreilles ; le pied ou le bras, si c’est un sergent[2] ou un marchand. Si nous nous rencontrons en bataille, nous verrons comment se comporteront Français et Bourguignons, et qui frappe le mieux de l’épée et attaque le plus en face. — Et nous », répond Fouque, « nous aurons des chevaux gascons[3] pour suivre de près et fuir au loin ! »
123. Le marquis Fouchier[4] s’avança : il était cousin germain de Girart, fils d’Estais[5] ; nul pays ne nourrit meil-
- ↑ Recréant est celui qui rétracte ses paroles, qui s’avoue vaincu.
- ↑ Sirvent, on appelait ainsi les soudoyers de classe inférieure, ceux qui servaient à pied.
- ↑ On sait combien est fréquente, dans l’ancienne poésie française, la qualification de gascon appliquée aux chevaux ; voy. les exemples réunis par M. F. Michel, Hist. de la guerre de Navarre, p. 507, note 3.
- ↑ Le même qu’on a vu paraître aux §§ 59 73, 76.
- ↑ P. (v. 1432) « neveu d’Eutais ».