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girart de roussillon

Les lits ne furent ni pauvres ni vides ; les couettes[1] étaient de paile[2]. Ils reposèrent jusqu’au moment où le soleil parut sur la montagne ; ils se chaussèrent et se vêtirent comme damoiseaux bien appris ; ils font mettre les freins et les selles piquées d’or cuit. Ils chevauchent ensemble le long d’un bois[3] en suivant le cours d’eau qui descend du pui de Buic. Fouque et les siens s’en vont ainsi à Roussillon.

132. Voici Fouque arrivé à Roussillon : il descendit à l’orme en dehors auprès du perron. Cent chevaliers accourent à l’envi, prenant sa rêne, son étrier, son bon cheval. Le comte entre au moûtier, fait sa prière, puis, s’éloignant des autres, va trouver Girart qui conversait avec Amadieu et Boson. Ceux-ci se levèrent et lui souhaitèrent la bienvenue. Mais Girart se hâte de parler : « Neveu, avons-nous bon accord du roi Charles ? — Par mon chef ! » dit Fouque, a pour cela, non ! Je lui ai offert le droit de ta part, en sa demeure ; il n’en veut rien prendre, il le méprise. Mais je lui ai reproché la trahison par laquelle il a fait parjurer tant de riches barons[4]. Je crois bien que cet été il fera la moisson sur vos terres[5] : vous n’avez bois ni vigne qu’il ne coupe, ni fossé, ni motte, ni vaste donjon dont il ne convertisse en charbon les charpentes les plus élevées. Mande tes amis et tes hommes, semons-les de t’aider dans ta guerre contre Charles qui veut te déshériter sous un prétexte. Je lui ai juré la bataille en Vaubeton, et lui et ses barons m’en ont engagé leur foi, et l’ont acceptée avec cette condition que le vaincu prendra le bourdon et passera la mer. — Je le trouve bon », dit Girart, « par Dieu du ciel ! Sous peu de jours j’aurai tant de compagnons qu’ils seront cinq cent mille dans

  1. « Les rideaux », selon P. (v. 1600).
  2. Étoffe de soie (maintenant poële, avec un sens plus restreint).
  3. D’après P. (v. 1604) : je n’entends pas, Oxf. dolonc biuic.
  4. Voy. § 120.
  5. Cf. § 127.