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girart de roussillon

compense pas, si je ne te frappe pas de cette mienne épée un tel coup, que je te pourfendrai jusqu’à la ceinture. — Vous en avez menti, glouton, vantard, et je prouverai que vous n’êtes qu’un menteur. » Ils éperonnent leurs chevaux et se jettent l’un sur l’autre. Fouchier ne manqua pas son coup : il lui fendit l’écu sous l’appui[1]. Andefroi s’irrita et le frappa si violemment qu’il lui faussa la broigne au pan doublé ; tous deux s’abattent sur le sable, et à ce coup mille chevaliers entrent en lutte.

330. Tous deux s’abattent en un pré ; voici les compagnies qui s’abordent ; vous verriez tant d’écus brisés, tant de lances mises en pièces, tant de hauberts troués, de broignes faussées, tant de coups d’épée, tant de têtes couvertes du heaume séparées du tronc ! On en aurait pu enlever quinze charretées. Girart eut le dessous en mainte rencontre et perdit ainsi les barons de ses contrées.

331. Jamais on n’ouït parler de plus forte bataille : le roi lui-même y fut frappé. Celui qui le frappa était sorti de l’armée royale. Il s’appelait David ; il était fils du Vieux Gérôme. Il avait quitté le roi par suite d’une guerre[2], comme faidit, et s’était réfugié auprès de Girart qui lui donna de grands dons à sa discrétion. C’est celui-là qui attaqua vivement le roi, le frappant sur l’écu orné de fleurs d’or de telle sorte que la lance au fer bruni passa au travers. Puis il retourna vers Girart, par un chaume, et, le prenant avec force par le frein : « Comte, pourquoi restez-vous tout ébahi ? le champ de bataille est si couvert de vos hommes, qu’il n’en reste plus mille[3] de

    qu’il a été fait plus haut dans une série de tirades consécutives (§§ 200-8). On ne voit pas que Fouchier ait pris part à cet acte de trahison.

  1. L’endroit où on appuyait le bouclier ? soz la poger (l’apoger ?) Oxf., le pogier L ; la leçon de P. (v. 4442) lo polchier est corrompue ; cf. plus haut, p. 128, n. 3, et plus loin, § 334 l’apogail Oxf.. lo pogalh P. (v. 4501), le pogail, L.
  2. D’une guerre privée.
  3. « Cent, » selon Oxf. ; le vers manque dans L.