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girart de roussillon

ton pays ; si tu te laisses prendre, tu es perdu ! — Ami, » dit Girart, « pourquoi me dis-tu cela ? Je te jure, par la sainte mère de Dieu, que j’aimerais mieux être mort et enterré que de laisser dire à ce mauvais roi que j’ai fui ! Retournons à la charge : je suis tout prêt. » Alors la lutte reprit de plus belle.

332. Voici par le champ Pierre, le fils de Gautier ; il portait les armes qu’il avait reçues d’Olivier[1]. Il était bien décidé, si lui et Boson se trouvaient face à face, à se battre de bon cœur avec lui. Il rencontra Seguin, l’un de ses ennemis ; il lui souvint d’un mot que celui-ci lui avait dit à Roussillon, sous l’olivier, lorsqu’il fut envoyé par le roi comme messager[2] ; il dit qu’on le tiendra pour un homme vaillant en paroles, pour un vantard, un faiseur d’embarras, s’il ne va le frapper sur l’écu noir : ils éperonnent et se lancent l’un sur l’autre.

333. Ils ont l’un pour l’autre haine et rancune, chacun d’eux prenant parti pour son seigneur ; ils éperonnent, et partent tous deux au galop. Seguin frappa si haut, par dessus la fleur[3]. [qu’il lui fit dans l’écu une ouverture large comme le poing[4]], et lui faussa le plus fort pan du haubert, lui entamant trois côtes. Pierre le frappa à son tour de telle force que jamais d’aucun homme Seguin ne reçut un tel coup.

334. Pierre piqua le cheval, qui fit un grand effort, et alla frapper Seguin. Il ne le manqua pas, mais lui troua l’écu sous l’appui et lui trancha le haubert aux mailles menues. Au milieu de la poitrine il lui fit une telle fenêtre que le sang jaillit par devant et par derrière. Après cela vous n’auriez pas donné de sa vie une gousse d’ail.

335. Gace, le vicomte de Dreux, se porte en avant. Là où

  1. Cet Olivier, de qui Pierre de Mont-Rabei tenait ses armes, a déjà été mentionné aux §§ 245 et 246.
  2. Ci-dessus §§ 282-3.
  3. Qui ornait le centre du bouclier.
  4. Vers qui n’est que dans P. (v. 4494).