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girart de roussillon

dit Fouque, « si vous lui en brûlez quelqu’un, dès qu’il nous enlève les meilleurs des nôtres ! De çà, de côté de la Provence, des dangers se préparent pour nous. Il y a tant de gens cupides, prêts à tout faire pour de l’argent, — et Charles leur en envoie par ses bateaux (?), — qu’il ne nous est pas resté de nos meilleurs hommes le quart. — Par Dieu ! » dit Gilbert de Senesgart, « ce chien de roi ne sera pas mis à bas, sinon par coup de lance, d’épée ou de dard. Il importerait assez peu comment il serait frappé, pourvu qu’un escobart[1] le tuât, comme mourut le roi César[2]. — Je l’occirai sans retard, » dit Foucart[3]. — « Il n’est rien qui me tarde autant, » dit Boson.

350. Fouque, entendant ces paroles, s’irrita : « Vous avez, à vous trois, dit une grande folie. Jamais je n’aimerai quiconque me proposera une action déshonorante. — Je ne le veux pas, » dit Girart, « je n’y consens pas ; mais il est naturel que le fou dise des folies[4], et qu’il en résulte de la honte pour qui croit son conseil. Beau cousin[5] Fouque, pour Dieu, conseillez-moi. — De conseil, » dit Fouque, je n’en vois pas. Je sais le roi Charles si violent que c’est en vain que son ennemi s’abaisserait devant lui, et celui qui se laisse vaincre par lui n’a pas de merci à attendre. Et pourtant il y aurait lieu de traiter. Celui qu’on accuse en cour de trahison ne doit pas vivre avec une telle accusation qui le ferait montrer au doigt, lui et ses héritiers.

351. « Quand je t’ai donné conseil, tu n’as pas voulu me croire[6]. Qui ne sait pas se garder de loin, ne jouit pas de

  1. Voy p. 34, n. 2.
  2. Cesart L., Censart Oxf. ; le vers manque dans P. Je pense que c’est une allusion au meurtre de César.
  3. Le marquis Fouchier, pour la rime, comme plus loin § 382.
  4. « Pour ce est li fous qu’il face la folie », Le Roux de Lincy, Livre des Proverbes, I, 243.
  5. Encore ici « neveu » au lieu de cousin, comme p. 161.
  6. Voy. ci-dessus §§ 260, 261, 266.