couleur, de pavillons, d’enseignes, de fanions. Girart entra en sa chambre, en un lieu secret, et là il prit un avis qui ne lui fut pas profitable.
474. Boson prit séance au commencement du conseil. Il avait revêtu un manteau de gris neuf, orné de pourpre ; il était grêle par les flancs, gros de la poitrine. Il a encore le teint pâle et jauni par l’effet de sa blessure[1]. Ce n’était pas un couard, mais un homme hardi : son goût pour la guerre était toujours nouveau. « Charles nous tient trop, » dit-il, « pour mous. Il occupe en paix Roussillon, et pourtant il faut qu’il ait peur, pour s’y tenir enfermé. Sans ma blessure, je lui fourrerais ma lance jusqu’aux clous[2] ! Et s’il ose livrer bataille, il y aura bientôt perdu ou gagné grand honneur[3]. »
475. Après lui parla le comte Fouque : « On a de la peine à sortir d’une guerre quand on y est entré légèrement. Comment pourrons-nous triompher de Charles par les armes ! Le meilleur avis que je sache, c’est que chacun se tienne prêt à l’attendre et à se défendre s’il nous vient assaillir. Que tous, grands et petits, se préparent à lui faire face. On pourrait faire prisonnier tel de ses barons pour lequel Charles mon seigneur serait disposé à traiter. »
476. Ensuite parla Gilbert : « Votre conseil est le meilleur, selon moi. Nous avons déjà trop perdu à combattre[4]. Nous avons assez de châteaux et d’argent pour tenir la campagne encore un an. Mais Charles a mandé son arrière-ban ; il marchera contre nous avec fureur. Les bois sont semés d’obstacles, les passages difficiles. Il perdra beaucoup de monde avant de se mettre au retour. — Pour moi, » dit Boson, « je ne prendrais rançon de personne, dût le prisonnier m’offrir son pesant d’or. Girart a une mesnie bonne