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girart de roussillon

tre dans le château le vicomte Artaut, autour de lui les bourgeois, les bons et les mauvais, chacun portant sa hache ou sa cognée, ou lance ou guisarme ou un arc à main ; ils s’emparent de la tour et du rempart. La dame ouït le bruit et le tumulte, elle apprend la trahison, et ce lui fut un crève-cœur. Elle appela Hugonet, Fouque et Airaut[1] : « Que chacun selle son cheval, et sortons de la ville par ce portail. Laissons la garenne, jetons-nous dans le bois. Allons tout droit jusqu’à Besançon ; pourvu que je puisse avoir Girart, je ne demande rien plus. »

498. La dame ouït la noise et les cris de douleur que font les bourgeoises pour leurs maris. Elle entend maudire Girart[2], et s’écrie : « Lasse ! malheureuse ! Sire, mon conseil n’a pas été écouté ! » Elle ne fait emporter ni étoffes de soie, ni vêtements, ni tapis. Avec trois damoiseaux elle s’en va, sans autre suite. Ils l’escortèrent jusqu’à Besançon.

499. À la nuit, elle entra dans Besançon. Dans une chambre voûtée de l’abbé Hugues, là elle trouva couché Girart de Roussillon. Elle lui baisa la bouche et la face en pleurant, et lui demanda s’il était sans blessure. Il répondit : « Non, car j’ai été légèrement atteint sous le hoqueton. Je me suis battu avec Charles en champ de bataille. J’y ai perdu Girart et Boson, qui sont tués, et on me dit que le roi tient Fouque prisonnier. Je les ai laissés derrière moi, comme un félon, comme un couart dont la lâcheté est prouvée[3]. Je souffre d’être vivant, quand je devrais être mort. — Sire, » dit la comtesse, « laissez cela, inspirez-vous de la raison. Dieu vous a tiré des mains de Charles, mais vous n’avez plus d’ami en ce royaume qui vous aide dans la guerre ni qui vous puisse rien donner. Par dessus tout, je redoute la trahison. Allons en Hongrie, au roi Oton dont le père fut

  1. Sans doute des damoiseaux attachés à sa personne ; voir le § suivant.
  2. Ici manque un feuillet dans P. La lacune s’étend jusqu’au § 505.
  3. Même expression que plus haut, § 316, voir la note.