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girart de roussillon

la voûte d’un cellier, sous le degré[1]. C’est là que la comtesse eut douloureux soulas.

527. Girart gît sous la voûte : il n’a point de serviteur, sinon sa femme qui le sert avec douceur. Alors voici un valet[2] qui vient à elle, véritablement envoyé par Dieu : il lui apporte un drap et l’étend devant elle : « Dame, pour l’amour de Dieu tout puissant qui naquit en telle nuit à Bethléem, taillez-moi dans ce drap un vêtement. — Volontiers, » dit-elle. Aussitôt elle le prend et sur-le-champ se mit à tailler et à coudre. À l’hôtesse le contèrent les serviteurs : « Cette vagabonde coût très bien. » Elle lui envoya le vêtement d’un de ses parents, et lui manda de le coudre tôt et vite. Elle répond au messager, avec humilité : « Ami, j’en cous un à un plus riche ; ensuite je prendrai le sien, s’il veut bien attendre. » Le serviteur rapporta ces paroles : l’hôtesse s’en vint par l’escalier en courant, furieuse comme un démon, et les jeta hors de son habitation.

528. Jamais vous ne vîtes si mauvaise femme, comme elle les a fait jeter dehors dans la fange. Le comte n’a force, ni

  1. C’est toujours « sous le degré », c’est-à-dire sous l’escalier de la maison, que nous voyons les malheureux venir s’abriter, comme aussi ceux que l’esprit de pénitence conduisait à choisir la vie la plus misérable ; voir, par exemple, la vie de saint Alexis. Le comte Simon de Crépi mourut ainsi « pauper, jacens sub gradu ». (Et. de Bourbon, éd. Lecoy, p. 67).
  2. Valet, dans le sens moderne, homme qui loue ses services. La bonne leçon paraît être celle d’Oxf., un gahel, que j’identifie avec le bas latin gadalis (voy. Du Cange) ; l’anc. fr. jaal (voy. Romania, II, 240, note) qui désigne une personne, homme ou femme, qui sert pour de l’argent, par suite une personne de bas étage. Si on adoptait (ce que j’ai fait dans mon Recueil d’anciens textes, p. 64, v. 520) la leçon de L. Migael, faudrait entendre l’archange saint Michel, ce qui s’accorderait assez bien avec l’idée exprimée au vers suivant, que cet être, quel qu’il fût, était envoyé par Dieu ; mais l’entrée en scène d’un personnage aussi important eût sans doute été annoncée plus explicitement.