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girart de roussillon

chair, ni sang[1]. La comtesse le prit par les flancs. Elle était faible et épuisée : tous deux tombèrent dans la fange. Un prud’homme les regarda, un homme au cœur franc : il fit ôter un banc d’auprès de son feu, et lui fit faire un lit mollet et blanc ; puis il lui donna venaison et poisson d’étang.

529. Quand ils furent tombés tous deux dans la boue, là se pâma la dame de douleur qu’elle eut. Le prud’homme le regarda, Dieu le voulut ainsi, et le fit relever et apporter tout froid et inerte. Il lui fit faire près de son feu un lit, puis lui donna chair sauvage et poisson de lac, et le garda jusqu’à ce qu’il l’eût guéri.

530. Girart se regarda, étendu qu’il était : il n’avait que les os, la peau et les nerfs. « Hé Dieu ! » dit-il, « tu te montres si dur envers moi ! Les œuvres que j’ai faites, tu me les fais payer bien sévèrement. Fouque l’avait bien dit, et aussi Landri de Nevers[2] ! Bernart, Fouchier, Séguin, Boson et Gilbert, que je suis misérable de vous avoir survécu ! » Et sa bonne femme lui essuie la tête ; « Cher sire, laisse en repos la terre que tu pers, car, si tu prends en gré le mal, tu en mériteras une meilleure. » Puis elle lui récite trois versets des psaumes de David, et lui parle de Job qui fut serviteur de Dieu, et le sermon où saint Rigobert dit....[3] Car ce fut un miracle grand et évident que Dieu

  1. Cf. Guiraut de Borneil (Quan la brun’aura s’eslucha) :

    « Ab ma volontat paurucha.
    No m’ai laissât carn ni sanc ».

  2. Fouque et Landri ont toujours donné à Girart des conseils pleins de sagesse et de modération ; voy., par exemple, §§ 179, 265 6.
  3. Il y a évidemment une lacune ici ; malheureusement ce passage manque dans P. ; il ne se trouve que dans Oxf. et L., qui dérivent d’un même ms. dans lequel apparemment cette lacune existait déjà. La vie de saint Rigobert, archevêque de Reims, chassé de son siège par Charles Martel et passant en bonnes œuvres le temps de son exil, pouvait être citée avec à-propos comme exemple à Girart de Roussil-