en cendres dix mille moutiers, dont moines et prêtres ont dû s’enfuir. Mais, si tu veux retenir les comtes comme tes hommes, ils te serviront fidèlement, pour avoir la paix. » Et la reine dit : « Je vous assure en vérité que je les ferai venir à la discrétion du roi, et qu’ils le serviront, s’il le veut bien, avec toutes leurs forces. » La paix eût été conclue le jour même, lorsque telles gens survinrent qui l’empêchèrent.
607. Ceux-là entrèrent dans le palais, qui avaient été mandés. Avec eux sont venus trente malheureux, sergents ou arbalétriers, tout défigurés : chacun avait le pied ou le poing tranché, le chef tondu en façon de fol[1], ou l’œil crevé[2]. Ils arrivent dans cet état devant le roi, et lui disent : « Sire, c’est pour ton service que nous avons été ainsi mutilés. — Et qui vous a si laidement marqués ? — Celui qui nous a beaucoup enlevé[3] et peu donné. Quand ils surent le retour de Girart, qu’ils eurent des nouvelles véritables de lui et de Fouque, châteaux et fertés[4] nous furent de peu de secours. » Le roi baissa la tête, pensif, et resta longtemps silencieux. L’évêque parla en homme sage : « Roi, il ne fait pas bon de te parler, lorsque tu es irrité, car tu n’es plus maître de toi, et il ne te souvient de rien qui soit agréable à Dieu. Prends conseil de toi-même. Si tu faisais la paix, tu te croirais honni, mais il n’y a rien de déshonorant à accepter une trêve, car si ceux qui l’auront jurée retournent dans leur pays, les comtes[5] verront leur richesse et leur puissance s’accroître de la valeur de cent mille marcs d’or épuré[6]. — Eh bien ! » dit le roi, « faites à votre
- ↑ On coupait les cheveux très courts aux fous ; voy. Du Cange, capillorum detonsio, II, 137 c.
- ↑ Cf. plus haut, § 602.
- ↑ Leçon de P. (v. 7925) ; Oxf. : « qui nous a tenus pour vils ».
- ↑ Lieux fortifiés ; voy. Du Cange, firmitas, 4.
- ↑ Girart et Fouque.
- ↑ Il y a simplement dans P. (v. 7935-6) : « Prends conseil selon ta