Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/177

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y trouva de la silice, de la potasse, de la chaux, matières qui entrent dans la composition du verre, et en conclut que ces matières provenaient du vase[1]. Il n’est pas douteux que, pour les contemporains, la démonstration de Scheele était autrement convaincante que celle de Lavoisier ; c’est Scheele qui se servait de méthodes appartenant véritablement à la chimie, alors que celles de Lavoisier paraissaient empruntées à un domaine étranger.

Dans les Opuscules physiques et chimiques parus en 1774[2], Lavoisier, toujours par l’emploi de la balance, décide entre les deux théories rivales de Black et de Meyer. D’après le premier, la pierre calcaire, en se transformant en chaux, perdait un composant (que nous appelons aujourd’hui acide carbonique) ; d’après le second, elle acquérait au contraire un principe désigné sous le nom d’acidum pingue et qui provenait du feu. Lavoisier fait voir que la terre calcaire perd par la calcination une partie de son poids, qu’elle recouvre si elle se transforme de nouveau en chaux ordinaire[3]. Le même ouvrage contient le commencement des immortels travaux sur la combustion. Lavoisier, qui ignorait à cette époque l’existence de l’oxygène, découvert plus tard par Priestley, constate, en calcinant l’étain et le plomb en vase clos au moyen d’une lentille, que ces métaux augmentent de poids ; c’était là, nous l’avons vu, une expérience ancienne. Mais Lavoisier découvre qu’il en est de même pour le soufre et le phosphore et, ce qui est plus important, il établit que volume de l’air subit une diminution d’un cinquième environ et que le poids de l’air disparu est à peu près identique à l’augmentation de celui du corps brûlé. D’ailleurs, comme il a pesé le vase avant et après l’opération et trouvé le poids à peu près identique (sauf une très légère augmentation qu’il attribue, avec justesse, au dépôt que le feu a formé extérieurement), l’hypothèse de l’intervention du feu élémentaire se trouve écartée et l’accroissement du poids ne peut provenir que de l’air.

Les contemporains eurent bien la sensation qu’il y avait quelque chose de nouveau dans ces considérations de quantité. « On verra, dirent dans leur rapport les commissaires de

  1. Grimaux. Lavoisier. Paris, 1899, p. 99.
  2. Lavoisier. Œuvres, vol. I, p. 439.
  3. Il est à noter que la perte de poids par la calcination de la chaux, établie par Black, n’avait pas empêché l’éclosion de la théorie de Meyer. Cf. plus bas, p. 307.