Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/22

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où le mouvement des esprits est si intense et dans un domaine qui touche à tant d’ordres de pensée divers, ne sait exactement ce qu’il doit à la pensée d’autrui. Mais nous tenons particulièrement à faire ressortir l’influence qu’ont exercée sur notre pensée, parmi les maîtres vivants, MM. Boutroux et Bergson, Poincaré et Duhem. Cette influence ne se limite pas aux passages où leurs noms sont cités.

Voici, résumée aussi brièvement que possible, la marche générale de notre travail. Nous commençons par rechercher s’il est exact, comme l’affirment Comte et, après lui, M. Mach, que la science entière ne soit édifiée que dans un but d’action et de prévision. Nous établissons que le principe qu’on met ainsi en jeu, le principe de légalité, ne suffit pas, que la science cherche également à expliquer les phénomènes et que cette explication consiste dans l’identification de l’antécédent et du conséquent (Chap. ier). C’est de ce second principe, le principe de causalité scientifique, que dérivent les théories atomiques (Chap. ii). Il intervient également dans la partie légale de la science, en créant les principes de conservation (Chap. iii, iv et v) et en poussant à l’élimination du temps (Chap. vi). Une extension de ce même principe crée le concept de l’unité de la matière, qui conduit à l’assimilation entre celle-ci et l’espace et, par là, à l’annihilation du monde extérieur (Chap. vii). Ces conclusions ne sont pas un résultat de la science, elles dérivent des éléments aprioriques que celle-ci recèle ; la science réagit et cette réaction s’exprime par le principe de Carnot (Chap. viii). Après avoir déterminé avec plus de précision les limites de l’explication causale, à laquelle s’oppose le concept de l’irrationnel (Chap. ix), nous démontrons que les théories non mécaniques dérivent également du principe de causalité (Chap. x). Nous établissons alors que le monde du sens commun est créé par un procédé strictement analogue