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parlant des hypothèses sur la nature de la lumière, — si elle voudra accepter le concept d’une proportion multiple en vibration » (I. R., p. 419). Or, pour qu’il y ait phénomène, il faut qu’il y ait vibration, ondulation, ou transport d’un projectile, c’est-à-dire, en un mot, mouvement, et ce mouvement, encore un coup, nous ne pouvons guère que l’imaginer, au moins partiellement, selon ce que nous connaissons par notre perception naïve.

Il n’est point impossible de trouver, dans l’évolution même des conceptions quantiques, des traits qui viennent en confirmation de cette manière de voir. Quand M. L. de Broglie, par un véritable coup de génie — c’est l’expression même dont s’est servi M. Einstein, en nous parlant de cette découverte — présenta son image de l’onde, ce fut, de toute part, comme un cri d’allégresse unanime. Sans doute l’espoir inavoué que l’on se rapprocherait ainsi d’une image du réel était-il pour beaucoup dans cette impression. Mais il y eut aussi certainement cette conviction intime que, du moment où il y avait analogie dans le comportement, celle-ci devait permettre de découvrir des traits encore inconnus. Et l’on sait aussi que si la première d’entre ces deux prévisions ne s’est réalisée que très partiellement par la suite, la seconde, par contre, a eu des accomplissements brillants.

Dans le même ordre d’idées, on peut faire cette observation banale que si, entre eux, les physiciens n’hésitent point à faire allusion à l’existence d’êtres créés par les théories, en substituant ainsi l’ontologie scientifique à celle du simple sens commun, cette substitution, cependant, n’est jamais que très partielle. L’expérimentateur le plus fermement persuadé de l’absolue justesse des conceptions de MM. Bohr, Born et Heisenberg n’aura qu’à s’observer lui-même si peu que ce soit pour se rendre compte de ce qu’en s’entretenant, au sein d’un laboratoire, avec un collaborateur, il ne cesse d’impliquer, dans son discours, l’existence d’objets tels que les instruments, etc., sous la forme que leur prête le sens commun. Ainsi ce qui est nécessité par l’action sur les choses est grandement favorisé par celle sur les hommes.

Le réel de la perception spontanée n’étant jamais véritablement absent de nos réflexions — même si nous avions cru pouvoir l’écarter par décret — on comprend que la raison, sans en avoir conscience, le fasse constamment renaître. Il est une hydre aux cent têtes, et qui ont une aptitude quasiment indestructible