Page:Meyerson - Réel et déterminisme dans la physique quantique.pdf/50

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giné. Car ce réel, M. Planck nous le montre comme devant son origine uniquement au désir de rendre plus précis le déterminisme des phénomènes, alors que, chez M. Heisenberg, il s’évanouit entièrement en quelque sorte, se confondant avec ce déterminisme même. Mais n’y a-t-il pas au fond, tout au contraire, dans cette double tentative, plutôt une sorte d’hommage — bien involontaire certes — rendu à cette idée d’une véritable explication, que l’on cherche à écarter et qui, néanmoins, s’insinue subrepticement dans les exposés ?

Cependant, il est important d’observer que le physicien des quanta se trouve, à cet égard, dans une situation très particulière, puisqu’il est en présence de deux images et que celles-ci sont parfaitement contradictoires, inconciliables dans l’imagination. Le physicien, quoi qu’il en ait, ne peut penser à une chose qui serait à la fois corpuscule et ondulation et doit se contenter de penser à un objet qui est tour à tour l’un ou l’autre. Et dès lors, la notion même de l’objet tend à pâlir chez lui, elle tend à lui échapper, au point qu’il arrive, dans son désarroi, à borner sa pensée au mathématique pur, à ne plus raisonner qu’en mathématicien. C’est de là — et non des anomalies indéterministes — que proviennent, à ce qu’il nous semble, les affirmations phénoménistes ou idéalistes de certains savants (tels notamment que MM. Bohr, Born et Heisenberg). Nous avons dit avec quelle prudence il convient de les accueillir. Le physicien des quanta, en tant que physicien, pense très certainement en réaliste, ne peut penser qu’en réaliste. Mais le substrat de son réel — qui, étant censé revêtir simultanément deux aspects contradictoires, ne peut être véritablement conçu sous aucun des deux — manque à tel point de contour précis qu’il semble constamment prêt à s’évanouir, à se dissoudre dans le néant. Et l’on voit aussi comment il se fait que MM. Born et Heisenberg ont pu affirmer que les difficultés de la théorie n’ont point leur source dans la dualité des corpuscules et des ondulations, dualité qu’ils jugent, au contraire, parfaitement compréhensible (C. P., p. 762). C’est que ces savants sont bien accoutumés à se mouvoir, dans cet ordre d’idées, dans le mathématique abstrait et que, dès lors, les contradictions de l’image physique concrète leur paraissent négligeables. Ce sont cependant bien ces contradictions qui sont, selon nous, au fond de l’évolution — si considérable qu’elle ressemble en effet à une révolution — qui est survenue dans la