Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 1.djvu/14

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dans cet ordre alphabétique décrié avec si peu de raison, puisqu’il est également favorable à la frivolité qui veut se distraire, à l’ignorance qui veut s’instruire, et à la science qui veut épargner des moments précieux. Ce n’est pas tout encore : une Biographie universelle, renfermant la Vie des hommes célèbres de tous les temps, de tous les pays et de toutes les professions, offrira nécessairement plus de choses qu’on n’en pourrait trouver dans une Histoire générale, ancienne et moderne, politique et littéraire à la fois (si une telle Histoire était exécutable), puisqu’à l’exposé des faits et des travaux publics qui sont du domaine de toutes deux, la Biographie doit joindre encore le détail des mœurs et des habitudes privées qui composent son apanage particulier. C’est peut-être a ces réflexions qu’est due la naissance du premier des Dictionnaires historiques.

Nous ne nous arrêterons point à parler de Suidas, écrivain grec du onzième siècle, qui imagina de mêler, dans un même lexique, à l’interprétation des mots, des traits d’histoire et des vies de personnages célèbres, idée aussi bizarrement conçue qu’imparfaitement exécutée ; ni de Charles Étienne qui, a la fin du seizième siècle (en 1596), rédigea en latin, sur les Mémoires du savant Robert Étienne, son parent, un Dictionnaire historique, géographique et poétique ; ni de Juigné, dont le Dictionnaire français, réimprimé huit fois dans l’espace de huit années, n’offrait guère qu’une traduction du latin de Charles Étienne[1] ; ni même de l’anglais Nicolas Lloyd qui, écrivant dans la même langue qu’Étienne, et s’emparant aussi de son travail, sut du moins l’agrandir et le perfectionner. Nous arriverons tout de suite à Louis Moréri qui, sur le plan et avec les matériaux de Lloyd, bâtit son Grand Dictionnaire historique dont la première édition parut, l’an 1674 en un seul volume in-folio. Victime de son application au travail, il mourut à trente-huit ans, sans avoir eu la satisfaction de mettre lui-même au jour la seconde édition en deux volumes qu’il avait préparée[2]. Plusieurs années après la publication de cette seconde édition (en 1689), on donna un premier Supplément, qu’aussitôt on fondit dans une troisième, et celle-ci fut, à peu de distance, suivie de plusieurs autres dans lesquelles l’ouvrage de Moreri se purgeait lentement de ses fautes, mais recevait de nombreuses additions. Cependant le célèbre Bayle, savant philologue et puissant dialecticien, blessé des imperfections qui déshonoraient toujours le Grand Dictionnaire Historique, entreprit de les corriger, du moins en partie. Il releva des inexactitudes, redressa de faux jugements, suppléa des omissions, et imprimant son génie à ce travail qui semblait ne promettre que d’arides

  1. Il parut pour la première fois en 1664.
  2. Cette seconde édition parut en 1681.