Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 1.djvu/15

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discussions, en composa son fameux Dictionnaire historique et critique, fondement d’une gloire qui ne périra jamais[1]. Les nouveaux continuateurs de Moreri laissèrent à Bayle ces brillantes dissertations où éclataient la force et l’adresse de son raisonnement ; mais ils rectifièrent les erreurs qu’il avait relevées, et ne tardèrent point à s’approprier les articles supplémentaires qui lui appartenaient en entier. Dans la suite, le Moreri que, pendant plus d’un demi-siècle, des additions continuelles avaient porté jusqu’à six volumes in-folio, s’accrut encore, sous les mains du laborieux abbé Gouget, de deux Suppléments formant chacun deux volumes ; et enfin, en 1759, dix ans après la publication du dernier, parut, en dix volumes in-fol., la dernière et peut-être la vingtième édition du Grand Dictionnaire historique, ouvrage qui, semblable au vaisseau de Thésée, ou, comme le dit Voltaire, à une ville nouvelle, bâtie sur le terrain de l’ancienne, n’a presque rien conservé du travail de son premier auteur, mais qui du moins a retenu son nom, par lequel il est habituellement désigné. Avons-nous tort d’espérer qu’on pardonnera aux auteurs d’une Biographie universelle d’avoir consacré quelques lignes à retracer les vicissitudes d’une vaste et célèbre compilation, à laquelle ils ont des obligations qu’ils ne veulent point dissimuler, entr’autres celle d’avoir évité les défauts assez nombreux qui lui ont été justement reprochés ?

C’était une idée plus raisonnable en apparence qu’en réalité, que d’associer aux articles de biographie pure, des articles de géographie et d’antiquités. Sans doute, ces matières ont un rapport direct avec l’Histoire, et elles jettent souvent un grand jour sur ses récits ; mais elles n’en sont pas moins des sciences à part, dont le seul vocabulaire est immense : aussi a-t-on senti depuis la nécessité de leur consacrer des traités et des lexiques particuliers qui, renfermant en entier le nombre infini d’objets dont elles se composent, et donnant à chacun d’eux le développement qui lui convient, forment un tout homogène et complet. L’admission des articles de mythologie n’avait aucun prétexte : il était trop évidemment ridicule de placer, parmi les personnages réels de l’Histoire, les personnages allégoriques de la Fable, et de ranger dans une même catégorie Alexandre et Cupidon, Aristote et Zéphyre, Cornélie et Vénus. On a même regardé comme inutile d’admettre les personnages des temps héroïques, dont les actions véritables sont mêlées de tant de fictions qu’il est impossible de les distinguer. Ce pouvait être une espèce de flatterie utile au débit de l’ouvrage que d’y faire entrer ces nombreuses généalogies qui y tenaient une si grande place, et qui souvent, dit-on, s’y allongeaient au gré des sollicitations

  1. La première édition du Dictionnaire de Bayle est de 1697.