Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 3.djvu/43

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AUGER (Edmond), né en 1515, au village d’Alleman, dans le voisinage de Troyes, d’un père qui était laboureur, fit ses études chez son oncle, curé de campagne. On a dit que dans sa jeunesse, il avait été bateleur et qu’il avait mené l’ours dans les rues. Un fait plus certain, c’est qu’il entreprit le voyage de Rome à pied, mendiant son pain, muni d’une lettre de recommandation pour un jésuite de cette ville qu’il trouva mort à son arrivée. Auger, dépourvu de toute ressource, se fit écrivain public au Campo de’ Fiori. Cet état ne lui fournissant pas de quoi vivre, il entra au collége des jésuites, en qualité de garçon de cuisine. On s’aperçut bientôt qu’il avait fait de bonnes études. S. Ignace l’admit au noviciat. Il professa les humanités à Pérouse, à Padoue, et la philosophie au collége romain. Son talent pour la chaire se manisfesta dans les exhortations qu’il faisait au peuple dans les rues, selon l’usage des Italiens. Lainez l’envoya, en 1559, en France pour travailler à la conversion des huguenots. Sa mission eut de grands succès dans plusieurs villes du Midi ; mais son zèle le porta souvent à des déclamations qui eurent des suites fâcheuses, surtout à Bordeaux. Le fameux baron des Adrets l’arrêta à Valence, et le condamna à être pendu. Il était déjà sur l’échelle pour monter à la potence, lorsqu’un ministre, attendri du discours qu’il prononça dans cette position, obtint sa grâce, dans l’espoir d’en faire un prosélyte de sa secte. Auger, échappé à ce danger, reprit ses passions avec encore plus d’ardeur. Il eut de grands succès en Auvergne, principalement à Issoire, où 1,500 huguenots rentrèrent dans le sein de l’Église. Il ne fut pas moins heureux à Lyon, où il eut l’avantage de rétablir l’exercice de la religion catholique. Chargé de prêcher le carême de 1575, devant Henri III, ce prince le nomma son prédicateur ordinaire, et le prit pour son confesseur. Cette dernière commission lui attira le reproche d’avoir inspiré à son pénitent le goût des petites pratiques d’une dévotion minutieuse, au lieu de le réprimander sur les vices qui déshonorèrent la vie de ce monarque. Ce reproche paraît justifié par l’ouvrage qu’Auger publia, en 1584, sous ce titre : Métanéologie sur le sujet de l’archi-congrégation des pénitents de l’Annonciation de N.-D., et de toutes les autres dévotieuses assemblées de l’Eglise. C’est un mélange bizarre de citations profanes et sacrées, pour justifier la confrérie des pénitents blancs, établie par Henri III, et aux processions de laquelle ce prince assistait vêtu d’un sac de toile. Son attachement à la personne de Henri III le rendit odieux aux ligueurs. Ils l’obligèrent de se réfugier à Lyon, puis à Tournon, de passer ensuite en Italie, où il voyagea de ville eu ville, regardé comme un excommunié, et alla mourir, en 1591, à Côme, épuisé de fatigue et de chagrin. Le P. Auger se distingua par sa constante fidélité à la cause royale dans un temps et dans un corps où cette qualité était fort rare ; ce qui fait dire à l’historien Mathieu « que, s’il eût vécu et qu’on ne lui eût défendu la chaire, il eût fait autant de service que tous les autres de son ordre pouvaient faire de mal. » On a vanté sa modération envers les protestants ; mais cet éloge est démenti par plusieurs de ses ouvrages, entre autres, par celui qui a pour titre : le Pédagogue d’armes, pour instruire un prince à bien entreprendre et à heureusement terminer une bonne guerre. C’est un vrai manifeste contre