Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 3.djvu/59

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des états étrangers, ouvrirent partout leurs portes à l’ennemi qui venait le dépouiller de ses états héréditaires. L’électeur était resté en Pologne avec les Moscovites ses alliés ; sentant enfin la nécessité de faire la paix, mais, forcé de négocier secrètement pour ne pas se brouiller avec le czar qui voulait la guerre, il envoya des députés à Charles, et leur donna ses pleins pouvoirs. « Allez, leur dit-il en propres mots, tâchez de m’obtenir des conditions raisonnables et chrétiennes ». Charles en imposa de fort dures ; il exigea qu’Auguste renonçât à la couronne de Pologne, reconnût Stanislas pour roi, abandonnât l’alliance de la Russie, renvoyât libres les princes Sobieski, les prisonniers de guerre, et livrât tous les déserteurs. Pendant que les députés s’efforçaient d’obtenir quelqu’adoucissement, ce prince lui-même, forcé par les Russes, qui ignoraient cette négociation, de livrer bataille au général suédois Mardefeld que Charles avait laissé en Pologne, remportait, près de Kalisch, une grande victoire, rentrait dans Varsovie, et y faisait chanter un Te Deum, lorsqu’on lui rapporta la réponse de Charles. L’électeur fut tenté de profiter d’un moment de prospérité ; il accusa ses plénipotentiaires d’une précipitation déplacée ; mais il n’était plus temps : continuer la guerre, c’était exposer la Saxe à de nouvelles dévastations. Auguste signa le traité qu’on lui proposait, et alla, le 18 décembre 1706, rendre visite à Charles, dans son camp d’Alt-Ranstædt. Pour comble d’humiliation, il se vit forcé d’écrire une lettre de félicitation à Stanislas, en lui envoyant les pierreries et les archives de la couronne, moyennant quoi il redevint paisible possesseur de son électorat, et rentra dans Dresde, où il reçut, peu après, la visite inattendue du roi Charles, qui, marchant contre la Russie, vint incognito passer quelques heures avec l’électeur étonné. Celui-ci ne démentit point, en cette occasion, sa réputation de loyauté ; il ne voulut pas écouter les insinuations de son premier ministre, le comte de Flemming, qui lui conseillait de ne pas laisser partir son redoutable ennemi. Rendu à ses premiers sujets, Auguste ne s’occupa d’abord que de leur bonheur : il s’appliqua à réformer l’administration et la jurisprudence ; il créa de nouvelles chaires dans les universités, et fonda un collége pour l’éducation de la noblesse : les lettres fleurirent sous sa protection ; Dresde dut à ses soins de beaux édifices; mais son humeur guerrière ne l’avait pas quitté, et son goût pour le faste l’entraînait souvent à des dépenses ruineuses. En 1708, il fit incognito la campagne des Pays-Bas contre la France ; en 1709, il se vit rappelé dans ce royaume qu’il avait quitté avec tant de regret, quoiqu’il n’y fût ni puissant ni aimé ; Charles XII, battu à Pultawa, ne pouvait plus soutenir le roi qu’il avait fait : le comte de Flemming préparait depuis plusieurs mois les Polonais à rentrer sous la domination d’Auguste. Ce prince protesta contre le traité d’Alt-Ranstædt, rentra en Pologne, où il fut bien accueilli, accorda aux partisans de Stanislas une amnistie générale, engagea le pape à relever ses sujets de leur serment de fidélité envers ce prince, et publia, le 18 août, un long manifeste pour se justifier de ce qu’il redevenait roi, après y avoir renoncé. Comme il demandait un jour à un gentilhomme polonais ce qu’il pensait de cette pièce diplomatique, celui-ci lui répondit : « Il fallait dire tout simplement : Attendu que le roi de Suède a été battu à Pultawa, je suis remonté sur le trône. » Auguste reprit avec le scep-