Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 84.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

decte aurait eu aussi pour maître Aristote ; mais nous pensons que le philosophe de Stagire fut seulement son ami. En examinant les dates, on voit qu’ils étaient à peu près de même âge, si Théodecte n’était l’aîné. Aristote lui dédia un de ces traités de rhétorique[1]. Au rapport d’Etienne de Bysance (De Urbibus, au mot Phaselis), Théodecte était d’une grande beauté, et nous savons par Cicéron (Tusc., I, 24), et par Quintilien (Inst. Or. XI, 2) qu’il avait une mémoire si prodigieuse qu’il lui suffisait d’entendre une seule fois la lecture d’un poëme, quelque étendu qu’il fût, pour le retenir. Il composa différents ouvrages dont il ne reste que quelques fragments, d’abord plusieurs oraisons, des préceptes en vers sur l’art oratoire ; ensuite 50 tragédies, dans le nombre desquelles on cite OEdipe, Ajax, Alcméon, Bellérophon, Hélène, Oreste, Philoctète, Tydée et Maunole[2]. Il donna cette dernière pièce lors du concours ouvert par Artémise, pour célébrer la mémoire du roi de Carie, son époux et son frère, l’an 355 avant Jésus-Christ. Théodecte avait fait aussi, pour le même concours, une oraison funèbre de ce prince, mais elle n’eut point l’approbation des auditeurs[3]. Celle que prononça Théopompe obtint le prix. Flavius Josèphe (Ant. jud., lix. XIII, ch. 2), raconte que le poète phasélitain, ayant mis dans une de ses tragédies, certains passages des livres saints, devint aussitôt aveugle, et ne recouvra la vue qu’après avoir reconnu sa faute et demandé pardon à Dieu. Au dire du même auteur, Théopompe, que nous venons de nommer, ayant eu le dessein d’insérer quelque chose de ces mêmes livres dans son histoire, perdit l’esprit pendant trente jours, et ne rentra dans son bon sens qu’à force de prières et de repentir[4]. Ces assertions, qu’il est permis de révoquer en doute, ne pouvaient échapper à Voltaire. Il en a fait l’objet de quelques réflexions caustiques, dans l’introduction de son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, et il y est encore revenu dans son Dictionnaire philosophique et dans ses Mélanges. On croit que Théodecte, mourut à

  1. Thurot, à la page xvj du savant discourt préléminaire de sa traduction de l’Hermèès, de Jacques Harris, parle d’un Théodecte qui seconda Aristote dans son travail grammatical, pour établir les divisions systématiques dans les mots : c’est sûrement le même Théodecte que celui dont nous esquissons la notice.
  2. Dans sa courte mais substantielle et élégante Histoire de la Littérature Grecque (Paris, Hachette, 1850, in-12), M. Alexis Pierron, professeur au lycée Saint-Louis, caractérise ainsi Théodecte et ses pièces : « En voici un qui supprime, dans la tragédie, les caractères, les sentiments et la poésie même, et qui transforme la tragédie en un plaidoyer. Ses personnages sont des avocats qui soutiennent des thèses les uns contre les autres, et avec toute la science, avec toutes les subtilités des plus consommés sophistes ; et ce poète remporte le prix au théâtre… La scène d’une de ses pièces, intitulée Lyncée était au tribunal d’Argos : Danaüs et Egyptus étaient les deux parties adverses ; et le premier finissait par être condamné à mort, grâce au talent déployé par Lyncée, dans la défense de son père. »
  3. Sur ce fameux concours et la part qu’y prit Théodecte, consultez Aulu-Gelle (Noct. att., x, 18), et les Recherches sur l’Histoire de Carie, par l’abbé Sevin, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions (xiii, 242, édit. in-12).
  4. On pense que Josèphe avait puisé ces récits, comme le reste du chapitre qui les contient, dans l’Histoire des Septante, par le faux Aristée (Voy. ce nom, ii, 47)