Aller au contenu

Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 84.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce point, à une immobilité qui lui déplut toujours, le comte de Thieffries rentra secrètement en France, et alla offrir ses services aux royalistes de la Vendée qui commençaient à s’insurger, et qui le chargèrent de préparer leur entrée à Orléans, où déjà ils etaient près d’arriver. Mais on sait par quels horribles moyens la convention nationale empêcha cette opération, qui alors eût été décisive. Obligé de se cacher dans le village de Verchères près Housdan, Thieffries y fut découvert et il n’échappa à une mort certaine que par la générosité des autorités du lieu, qui consentirent à le garder sous leur garantie. Il resta dans cette position jusqu’à la chute de Robespierre, et retourna alors vers les Vendéens (sept. 1794), que commandait Charette. Il eut avec ce général plusieurs entrevues à la Roche-sur-Yon ; assista à quelques affaires d’avant-poste et fut chargé d’aller recruter des officiers pour les armés royales qui en avaient le plus grand besoin. Revenu dans le département du Nord, il y fut bientôt reconnu et conduit dans les prisons de Douai, où il fut enfermé pendant deux ans, dans un cachot, et n’en sortit que pour être déporté en Allemagne. Il profita du séjour assez long qu’il fit à Berlin pour envoyer à Vienne au baron de Thugut, premier ministre, un Mémoire fort étendu sur la situation de l’Europe, sur les progrès de la démocratie, les dangers que couraient tous les trônes, et l’insuffisance des mesures qui jusque-là avaient été prises pour y remédier. Une seule page de ce Mémoire dont l’autographe est sous nos yeux, suffira pour en faire connaitre l’importance… « Les provinces de Bretagne, de Normandie, et circonvoisines, y est-il dit, ont fait souvent demander des armes sans pouvoir en obtenir ; et l’on s’est plaint sans cesse dans les armées de la Vendée que l’amirauté d’Angleterre n’envoyât pas les munitions de guerre que l’on avait promises. C’est ce qui fit échouer le plan des opérations de l’armée, lorsqu’elle se porta sur Paris, dont elle approcha à dix-huit lieues. Le manque de munition l’obligea d’enterrer ses canons, découragea les troupes, et les força de rétrograder sur le Mans où elles perdirent une bataille sanglante. Si l’on avait donné à un prince du sang des moyens d’aller commander ces armées, lorsqu’elles étaient en bon état, et non quand le comte d’Artois est venu à l’Ile-Dieu, et qu’elles étaient diminuées des deux tiers, on se serait plus aisément convaincu que l’on voulait rétablir la maison de Bourbon, motif pour lequel elles se sont battues avec tant de courage et de constance. Le défaut d’un chef qui aurait anéanti par sa suprématie tout principe de rivalité et de discorde parmi les différents commandants de cette armée, lui a été bien préjudiciable. Il aurait mis bien plus d’ensemble dans le but des opérations de chaque corps d’armée ; il eût été le centre où se serait portés tous les moyens de l’intérieur, et le rendez-vous de tous les bons Français, ou plutôt tous lui auraient remis les armes, et l’on ne se serait pas malheureusement persuadé que l’on ne voulait qu’entretenir la guerre civile pour se rendre plus parfaitement maître du royaume et le démembrer. On