Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 9.djvu/58

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46 CLÉ capable de porter le moindre jouj» , peu de temps après avoir obtenu cette place , il la quitta pour n’être pas soumis à quelques re’glements nouveaux qui lui paraissaient injustes , «l même, dans la première clialeur du ressentiment , il e’crivit à MM. du bureau du collège une lettre aussi vive qu’imprudente. Le bureau reçut la lettre comme une insulte, et se plaignit au parlement. L’affaire devint sérieuse, les chambres assemblées voulurent contraindre le jeune professeur à faire des excuses j mais , lorsque l’arrêt de soit ouï fut rendu , Cle’meut , qui avait su le prévoir, était déjà en sûreté à Paris. Agé alors de vingt-six ans , il ne songea point d’abord à s’engager dans la carrière polémique, et son penchant parut l’entraîner exclusivement vers la poésie ; tout son avenir lui semblait enfermé dans son portefeuille , contenant une tragédie terminée ( Médée ) et une autre ( Cromwell ) ■ ? commencée. Cette pièce n’a jamais été achevée. Clément porta dans les sociétés où il fut admis son goût sévère et irascible, il critiqua vivement des nouveautés qui excitaient l’admiration générale, et bientôt quelques essais de critique qu’il publia lui firent connaître son talent pour cette partie de la littérature. Une sorte de fatalité l’entraîna , et ce fut bien moins à composer des ouvrages , qu’à discuter les défauts de ceux des autres , qu’il consuma sa vie et ses talents. 11 est principalement connu du public par la sévérité de ses jugements et par ses attaques réitérées contre Voltaire, dont il s’était d’abord déclaré l’admirateur. Il lui avait même adressé quelques compliments en vers , pour prix desquels il avait reçu plusieurs billets agréables. Quelques années après , quoique l’admiralion de Gl«meiit pour Voltaire se lût CLÉ bien ralentie, il ne se disposait point encoi’e à diriger contre lui les traits de sa critique, et peut-être ne l’aurait-il jamais attaqué, sans une circonstance particulière qu’il n’est pas hors de propos de rapporter. St.-Lambert avait proclamé le vieillard de Ferney, Vainqueur des deux rivaux qui partagent la »ccn« . Clément, regardant ce vers comme un outrage fait à la mémoire de Racine et de Corneille, ne put contenir la brusque impatience de son zèle ; car , dès l’instant qu’il croyait combattre pour la bonne cause , il ne savait plus renfermer sa pensée, ni chercher le moindre détour pour l’exprimer : les défauts d’un ami ou d’un écrivain fameux ne le trouvaient pas plus indulgent que ceux d’un auteur obscur ou d’un ennemi. Clément réclama donc contre la sentence portée par l’auteur des Saisons, et la critique d’un seul vers alluma une querelle aussi longue qu’opiniâtre. Indépendamment du torrent d’injures que Voltaire répandit sur son importun censeur , injures dont personne ne se souvient , il lui donna le surnoiu d’incléinent que tout le monde a retenu, et par l( quel ou le désigne encore aujourd’hui. La vengeance de St.-Lambert fut d’une autre nature ; il eut le crédit d’obtenir un ordre pour faire conduire Clément au Fort-l’Evêque et pour faire saisir l’édition entière (encoresouspresse) de la critique du poëme des Saisons. Cet événement devint le sujet de toutes les conversations, et J.-J. Rousseau, se trouvant chez une femme du haut rang, parla avec force, contre la tyrannie qui mettait aux fers un écrivain dont le seul crime était d’avoir osé dire que des vers étaient mauvais. L’éloquence du ])hilosophe genevois produisit t(«it rtlTot qu’il en pouvait attendre j dès le 3". jour, Clément vit