y laissa une partie de sa famille, et retourna, en 1795, à Calcutta pour la troisième fois. Il fut accueilli avec intérêt par le nouveau gouverneur-général, sir John Shore ; mais la mort d’Assef-Eddaulah et les troubles qui s’ensuivirent dérangèrent tous ses projets de fortune. Accablé d’ennuis, dégoûté de la vie, il consentit à accompagner en Europe son ami le capitaine David Richardson, qui parlait avec lui le persan et l’indou, et qui promit de lui apprendre l’anglais dans la traversée. Il s’embarqua sur un vaisseau danois, qui mit à la voile le 16 février 1799, relâcha aux iles Nicobar, qu’il quitta le 4 avril, et ayant aborde à False-Bay, près du cap de Bonne-Espérance, le 25 juin, il aima mieux perdre la somme qu’il avait payée que de rester sur un navire dont le capitaine manquait de procédés envers les passagers. Mécontent de la cupidité de son hôte à False-Bay, il alla au Cap, où il fut bien reçu du général Dundas, et séjourna plus de trois mois dans cette colonie. Les Anglais l’avaient enlevée depuis peu aux Hollandais, qui formaient encore la majeure partie de sa population, et auxquels l’auteur fait des reproches graves, qui paraissent assez fondés. Il se rembarqua le 25 septembre, sur un navire baleinier anglais qui relâcha le 13 octobre à Ste-Hélène, remit a la voile deux jours après, et aborda à Cork, en Irlande, le 9 décembre. Le 10 il se rendit à Dublin, et il retrouva l’honorable amitié de lord Cornwallis. Le 18 janvier 1800 il s’embarqua pour Holy-Nead, et arriva le 21 à Londres, où il eut une entrevue avec le ministre Dundas, et fut présenté au roi Georges III et à la reine, qui le reçurent avec affabilité, s’entretinrent quelque temps avec lui, et l’engagèrent à venir souvent à la cour. Les princes du sang lui témoignèrent beaucoup de bonté, et il fut fêté par tous les grands du royaume. Il eut même des liaisons assez intimes avec les évêques de Londres et de Durham, et des relations fréquentes avec la plupart des savants et des hommes de lettres de l’Angleterre. Abou-Taleb dut à l’urbanité de son caractère et aux agréments de son esprit très-cultivé l’honneur de se voir recherché à Londres par les personnes de tous les rangs. Passionné pour les femmes, il était galant avec les ladys et leur adressait des vers improvisés en persan, qu’il traduisait en anglais. Après avoir séjourné dans la capitale de l’Angleterre deux ans et quelques mois, pendant lesquels il avait parcouru les environs, Windsor, Oxford, Blenheim, Greenwich, etc., il s’embarqua à Douvres le 8 juin 1802, et arriva le 11 à Paris, où il employa trois semaines à visiter tout ce qui pouvait piquer sa curiosité, aussi ne put-il accepter les invitations de Bonaparte et de M. de Talleyrand. Il quitta Paris le 1er juillet, passa trois jours a Lyon et quinze jours à Marseille, ou il s’embarqua le 25 pour Gènes. Deux jours après son arrivée, il se rendit par mer à Livourne, où il fut reçu, le 20 août, sur un vaisseau anglais qui le porta à Malte, puis à Smyrne et à Constantinople, ou il fut accueilli par lord Elgin, ambassadeur d’Angleterre, par le grand vizir Yousou-Pacha, le même que Kléber avait vaincu à la bataille d’Heliopolis, et par le sultan Sélim III auquel il présenta une traduction persane, en 2 volumes, du Camous (fameux dictionnaire arabe), achevée et corrigée par lui. Revêtu d’une robe d’honneur., il refusa le magnifique cadeau que le Grand Seigneur voulait lui faire en retour, satisfait de la promesse que cet ouvrage serait imprimé à Constantinople, et que la préface ferait mention du donateur. Ayant reçu son audience de congé, et ses firmans pour divers pachas de la Turquie asiatique, Abou-Taleb partit de Constantinople le 2 décembre, se dirigea par Amasieh, Siwas ; Malatiah, Diarbekir, Mardin, Nisbin, le Kourdistan et Moussoul, et arriva le 28 janvier 1803 à Bagdad. Pendant le séjour qu’il fit dans cette ville, il visita tous les lieux de pèlerinage réputés saints par les musulmans, tels que les villes d’Imam-Ali et d’Imam-Houçain. Cette dernière venait d’être saccagée par les Wahabis, sur lesquels il donne des détails curieux. Il y retrouva et secourut une de ses tantes qui, forcée par des revers de fortune de se retirer du monde pour se livrer à la vie contemplative, avait été dépouillée par ces sectaires. Abou-Taleb quitta Bagdad le 10 mars, peu satisfait de l’agent anglais Jones, son hôte, pour lequel il avait refusé un appartement chez le pacha. Il descendit le Tigre jusqu’à Bassora, où il logea chez un ambassadeur de Perse. Mécontent de l’orgueil et de la cupidité du consul anglais Manesty, il s’embarqua le 10 mai sur un vaisseau de cet agent, et aborda le 3 juin à Bombay, où il fut reçu de la manière la plus affectueuse par le gouverneur Duncan. Il prit place le 16 juillet sur une frégate anglaise et arriva enfin à Calcutta, après une absence de quatre ans et demi. Il est mort dans cette ville vers 1810. Pendant son séjour à Londres il avait été question de l’envoyer en ambassade en Perse et au Kaboul ; mais, effrayé de la longueur et des dangers du voyage, il pria M. Dundas de lui permettre de retourner dans l’Inde pour y établir sa famille, préférant prendre Calcutta pour son point de départ. On agréa sa proposition et on lui donna des lettres pour le gouverneur général du Bengale, qui devait lui faire toucher la pension dont il était privé depuis longtemps par les intrigues de ses ennemis, et l’envoyer au Kaboul, comme représentant de la compagnie des Indes orientales. On ne croit pas qu’il ait rempli cette mission. Les voyages de Mirza Abou-Taleb-Kan, en Asie, en Afrique et en Europe, écrits par lui-même en persan, ont été traduits en anglais, probablement d’après le manuscrit, par Ch. Stewart, Londres, 1810, in-8o, 2 vol., et réimprimés, à Calcutta, la même année, 1 vol. in-8o. C’est d’après la version anglaise qu’a été faite la traduction française publiée par J.-C. Jansen, avec une réfutation des idées qu’on a en Europe sur la liberté des femmes en Asie, par l’auteur, Paris, 1811, 2 vol. in-8o. Elle a été aussi traduite en hollandais, Leuwarden, 1813, 2 vol. in-8o., Le texte persan des Voyages d’Abou-Taleb a été publié, depuis sa mort, par son fils Mirza-Houçaîn-Ali, Calcutta, 1812, 1 gros vol. in-8o, précédé de quelques détails sur les principaux événements de sa vie. Nous n’avons pu vérifier sur quelle édition a été faite la traduction française qui, publiée par
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