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nonce un magnifique éloge d’Absalon, son ancien ennemi, et déclare qu’il ne voit que lui qui soit digne de lui succéder. Le chapitre, d’une voix unanime, proclame Absalon archevêque de Lund et primat des royaumes du Nord (1178). Mais Absalon, ne voulant ni quitter le siége de Roskilde, où le retenait l’amour du peuple de Sélande, ni cumuler deux bénéfices, refusa la mitre primatiale, jusqu’à ce qu’un ordre exprès du pape Alexandre III vint lever ses scrupules. Absalon fut un des plus grands hommes du moyen âge. Ami de son roi, il n’en fut jamais le flatteur ; homme d’État habile et guerrier intrépide, il ne commit jamais une action déloyale ou cruelle. Sa piété lui valut les éloges les plus magnifiques du souverain pontife. À la tête de l’armée, il joignit toute la valeur d’un soldat à toute la prudence d’un général ; également heureux sur mer et sur terre, il était adoré des troupes. En temps de paix, il veillait sans relâche à la sûreté des côtes. C’est lui qui, en faisant élever près d’un hameau de pécheurs, nommé Hafn, un château fort, posa les fondements de Copenhague. Il eut une grande part aux Codes de lois publiés par Waldemar Ier, et il est lui-même auteur du Code ecclésiastique de Sélande, dans lequel on remarque, entre autres, un article qui abolit l’épreuve du feu dans les causes d’adultère. Une disposition encore plus remarquable fixe de sages limites à la libéralité des particuliers envers le clergé et les églises. Absalon était néanmoins plein de zèle pour la religion. Voulant donner aux monastères de meilleures règles, il appela auprès de lui l’abbé Guillaume, du couvent de Ste-Geneviève de Paris, avec qui il s’était lié d’amitié pendant sa jeunesse. Il ordonna aux moines du couvent de Soroë, qu’il l’avait fondé, d’écrire les Annales du royaume ; mais cet ordre ne fut pas exécuté. Absalon eut plus de succès lorsqu’il chargea de composer une Histoire du Danemark l’éloquent Saxo Grammaticus et le savant Sueno Aagesen. Malgré tant de zèle et de vrai mérite, l’archevêque ministre ne put échapper à quelques moments de défaveur populaire. Le peuple de la Scanie se révolta contre lui, en se refusant à payer la dime ecclésiastique ; on fut obligé de marcher avec des troupes contre les rebelles, qui furent défaits ; le roi Waldemar allait sévir contre eux, lorsqu’Absalon parut sur le champ de bataille, et, après avoir rappelé ses nombreux services, demanda comme récompense la grâce des coupables. Lors de l’avènement au trône de Canut VI, en 1181, Absalon eut une nouvelle occasion de signaler son courage. L’empereur Frédéric Barberousse menaça ce jeune roi de donner à un autre prince l’investiture des provinces conquises sur les Wendes, comme étant, disait-il, des fiefs de l’Empire. Canut VI répondit, d’après le conseil d’Absalon : « Si l’empereur veut disposer de ce qui ne lui appartient pas, il faut d’abord qu’il trouve quelqu’un qui ose accepter un tel présent. » L’empereur envoya un ambassadeur auprès de Canut VI, chargé de le fléchir, soit par des flatteries, soit par des menaces. Absalon renvoya l’ambassadeur avec ces paroles : « Apprends, comte Sigfried, que le Danemark n’est point la Thuringe ; dis à ton maître que, pour disposer de ce royaume, il faut te conquérir ; qu’on n’en fait la conquête que revêtu de la cotte d’armes et du gant d’acier ; apprends-lui que les Danois portent à leur ceinture une épée avec laquelle ils maintiennent leur liberté, et prouvent les droits qu’ils ont sur leurs conquêtes ; enfin, assure-le que le roi, mon maître, se soucie fort peu de l’amitié de l’empereur d’Allemagne, et qu’il ne craint nullement sa colère. » L’empereur, irrité de tant de fierté, engagea le duc Bogislas de Poméranie à déclarer la guerre aux Danois ; une flotte de cinq cents bâtiments se dirigea contre le Danemark ; mais Absalon, avec une vingtaine de gros vaisseaux bien armés, fondit à l’improviste sur cette flotte, en détruisit une partie, et dispersa le reste. Le duc Bogislas, ne voyant rentrer que trente-cinq bâtiments, demanda la paix et se reconnut le vassal de Canut VI (1184). Absalon aida encore son roi à conquérir le Mecklenbourg, l’Estonie et d’autres provinces ; il mourut à l’âge de 73 ans, une année avant Canut VI. On conserve au musée royal de Copenhague sa crosse et son anneau. La bibliothèque de la même ville possède un Juitin écrit sur parchemin, et portant sur le dernier feuillet ces mots : Liber Sancta Mariæ de Sora, per manum domini Absalonis archiepiscopi. On a longtemps cru que ce codex était écrit de la main d’Absalon, mais il paraît que les mots per manum veulent seulement dire que le couvent de Soroë tient ce livre de la main de l’archevêque. La littérature danoise possède un bel éloge d’Absalon par Jacocobi, et un autre par Vogelius. Sa vie a été écrite par Wandal. Ou trouve son testament dans Langebek, Scriptores rerum danicarum, t. 5, p. 422. C’est un morceau curieux pour l’histoire des mœurs et des usages du moyen âge. Il en existe une édition avec des notes par Otto Sperling. M-B-n.


ABSALON, chanoine régulier de St-Augustin, et 7e abbé de St-Victor à Paris, se fit remarquer par la sainteté de sa vie, par les lumières de son esprit et la fermeté de son caractère. Nous savons, par le témoignage de Césaire d’Eisterbaeh, auteur contemporain, qu’Absalon fut appelé à Springkirsbach, au diocèse de Trèves, avec la mission d’introduire la réforme dans cette communauté qui était tombée dans le désordre. Il y fit revivre, dans sa pureté primitive, la règle de St-Augustin. Après avoir accompli cette tâche difficile, Absalon revint à St-Victor, où il fut installé abbé, l’an 1198. Sa mort eut lieu en 1203. L’épitaphe suivante fut composée à sa louange :

Absalon hic tinem suscepit amœnum,
Ad solium raptus æterna luce serenum :
illustris senior, cui mundi gloria vilis,
Septimus a primo pastor fuit hujus ovilis.

Les savants continuateurs de l’histoire littéraire des Bénédictins, ou nous avons puisé ces renseignements authentiques, ont fort bien démontré que, nonobstant l’opinion de plusieurs biographes, l’abbé de St-Victor et celui de Springkirsbach ne furent qu’un seul et même personnage. — Absalona laissé cinquante et un sermons latins, composés, a-t-on dit, sur le modèle