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AGN

tous les magistrats ; et, les luisant conduire successivement devant lui, leur déclara que la vierge Marie lui avait accordé la seigneurie de Pise, et leur fit prêter serment de fidélité, au milieu des épées nues dont ils étaient entourés. Il déploya ensuite une pompe royale, et exigea de ses concitoyens les manques de respect les plus avilissantes. On lui obéit cependant tant qu’il put se faire craindre ; mais, le 5 septembre 1368, jour même où l’empereur Charles IV lui avait accorde le titre de doge et l’avait armé chevalier, un échafaud sur lequel il était monté s’écroula sous lui, sur la place de Lucques où il avait reçu l’empereur. Le peuple, averti que le doge avait eu la cuisse cassée par sa chute, prit aussitôt les armes, chassa des forteresses les satellites d’Agnello, et recouvra sa liberté. S. S-i.


AGNÈS (Sainte), vierge et martyre. Selon St. Augustin et St. Ambroise, elle n’était âgée que de treize ans, lorsqu’en 303, l’empereur Dioclétien éleva contre les chrétiens une persécution fameuse dans l’histoire de l’Église. Issue d’une des premières familles de Rome, et douée d’une rare beauté, Agnès vit plusieurs jeunes gens distingués demander sa main, mais elle annonça la ferme résolution de se consacrer uniquement à Dieu. Dénoncée alors comme chrétienne, elle souffrit avec une constance héroïque les plus cruels tourments, et refusa de sacrifier aux idoles. Le juge prit le parti de l’envoyer dans un lieu de prostitution ; mais les vertus de la jeune vierge frappèrent de respect les débauchés qui avaient l’intention de la déshonorer ; l’un d’entre eux, fils de Simphronius, préfet du prétoire, ayant porté l’audace plus loin que les autres, fut, dit-on, renversé à terre, demi-mort, et frappé d’aveuglement ; mais ses compagnons effrayés obtinrent d’Agnès qu’elle lui rendit sur-le-champ la vue et la santé. Malgré cet événement extraordinaire, le juge, toujours animé contre Agnès, la condamna à perdre la vie. Elle reçut son arrêt sans effroi, et, selon l’expression de St. Ambroise, elle alla au lieu du supplice avec plus de plaisir que tout autre n’aurait été au lit nuptial. On lui éleva, du temps de Constantin, une église dans l’endroit même où était placé son tombeau ; le pape Innocent X en fit bâtir une autre, sous l’invocation de la même sainte, dans le lieu où l’on croit que sa chasteté fut exposée. Tous les martyrologes font mention de la fête de Ste. Agnès, mais à différents jours. L’Église latine la célèbre le 21 janvier. St. Ambroise et St. Augustin ont écrit son panégyrique, si toutefois l’écrit de St. Ambroise n’est pas supposé, comme on le pense. St. Martin avait pour cette sainte fille une grande dévotion. Les peintres ont souvent retrace son dévouement, et le musée Napoléon a possédé deux tableaux dont elle est l’héroïne. Dans l’un, le pinceau vigoureux et brillant du Tintoret l’a représentée rendant la vue au fils de Simphronius ; l’autre est une des plus admirables compositions du Dominiquin. Ce grand artiste a peint la vierge chrétienne élevant ses yeux vers le ciel, d’où quelques anges lui apportent les palmes du martyre, tandis qu’un des bourreaux lui plonge un fer dans le sein. D-t.


AGNÈS de France, impératrice de Constantinople, fille de Louis le Jeune et d’Alix de Champagne, et sœur de Philippe-Auguste, naquit en 1171. N’ayant encore que huit ans, elle fut accordée au jeune Alexis, fils de Manuel Comnène, empereur d’Orient, et elle partit sur-le-champ pour Constantinople, où ses fiançailles furent célébrées avec magnificence en 1180. À l’âge de onze ans, elle vit massacrer, par l’ordre du cruel Andronic Comnène, le faible Alexis qui venait d’être placé sur le trône. Agnès ne fut point entraînée dans cette chute, mais elle devint avec la couronne la proie du meurtrier. Il ne naquit point d’enfant de cette coupable alliance, que la mort tragique d’Andronic rompit quatre ans après. Agnès resta à la cour de Constantinople, où, après vingt années de veuvage, elle épousa, en 1205, Théodore Branas, gouverneur d’Andrinople, dont elle eut une fille qui fut belle-mère de Guillaume de Villehardoin. L-S-e.


AGNÈS, reine de France, fille du duc de Méranie, épousa, en 1196, Philippe-Auguste, qui avait répudié Ingelburge, fille de Valdemar, roi de Danemark. Le frère de cette princesse s’adressa au pape Célestin, qui envoya en France deux cardinaux pour connaître les motifs que le roi avait eus de divorcer, et pour juger de la légitimité de son nouveau mariage. Philippe-Auguste employa toute sa puissance pour résister au pape, et mit beaucoup de politique à gagner du temps, afin de ne pas se séparer d’Agnès de Méranie : mais quand il vit qu’il ne pouvait éviter d’être condamné dans un concile à reprendre sa légitime épouse, il prévint la sentence, alla lui-même chercher Ingelburge dans le couvent ou elle s’était retirée, et la ramena à la cour. Agnès de Méranie mourut au château de Poissy, en 1201, la même année ou elle fut obligée de renoncer au titre de reine de France, et à l’amour que Philippe-Auguste avait pour elle. Le pape Innocent III légitima le fils et la fille qu’elle avait eus de ce monarque, parce qu’elle avait contracté son mariage dans un moment où elle était autorisée à croire que le roi était libre ; et, comme Philippe-Auguste avait, de son premier mariage avec Isabelle de Hainault, un fils qui lui succéda sous le nom de Louis VIII, la légitimité accordée aux enfants d’Agnès de Méranie fut d’autant moins contestée, qu’elle ne donna lieu à aucune prétention politique. F-e.


AGNÈS d’Autriche, fille de l’empereur Albert Ier, et petite-fille de Rodolphe de Habsbourg, naquit en 1280. Cette princesse avait hérité du caractère inébranlable et même féroce de son père. Sans elle, la maison d’Autriche serait peut-être retombée dans une position secondaire après le meurtre de l’empereur. La famille d’Albert était frappée d’effroi, parce qu’elle considérait cet événement comme le signe du mécontentement universel, provoqué par le despotisme du monarque. Agnès découvrit, par des recherches infatigables, que l’assassinat de son père n’avait eu pour cause que l’inimitié d’un de ses neveux, Jean le Parricide, et que les peuples avaient été spectateurs satisfaits, mais paisibles, d’un crime qui brisait leur joug. Aussitôt elle excita ses frères