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ALA

sauver. Un ermite osa s’avancer au-devant du roi des Goths et le menacer de la colère céleste : « Je « sens en moi, lui répondit ce barbare, quelque-chose « qui me porte à détruire Rome » Cette réponse est devenue célèbre, et St. Augustin, dans sa Cité de Dieu, n’hésite point à regarder Alaric comme un instrument dont la Divinité se servit pour châtier une ville mère de tous les crimes et de toutes les erreurs. L’an 410, les drapeaux des barbares flottèrent sur les murailles de la ville de Romulus ; et, dans l’espace de trois jours, l’ancienne maîtresse du monde vit disparaître les richesses entassées par neuf siècles de triomphes, et subit tous les maux qu’elle, avait fait souffrir à l’univers. Alaric recommanda cependant la modération à ses soldats, et leur ordonna de respecter les trésors des églises. Au milieu des scènes du plus effréné brigandage, on dut voir avec surprise des barbares, marchant en procession et dans l’attitude du respect, reporter sur les autels de St. Pierre les trésors enlevés dans le sanctuaire. Les églises furent autant d’asiles inviolables, dans lesquels un grand nombre de Romains sauvèrent leur vie et une partie de leurs richesses. Alaric, qui craignait pour ses soldats le séjour de Rome, en sortit au bout de six jours pour marcher à la conquête de la Sicile et de l’Afrique ; il ravagea dans sa marche la Campanie, l’Apulie et la Calabre. Mais, au milieu de ses triomphes, et près de s’embarquer pour la Sicile, il fut attaqué d’une maladie mortelle, et termina sa carrière à Corentia. Ses lieutenants, craignant que la cendre de leur général ne fût outragée par les Romains, l’ensevelirent au milieu du Busento. Les captifs qui avaient été employés à détourner le cours de la rivière furent massacrés après la cérémonie, et le silence de la mort et de la terreur régna longtemps sur la tombe d’Alaric. Tandis que les Goths se livraient au désespoir, Rome et l’Italie faisaient des réjouissances publiques ; la Sicile et l’Afrique voyaient s’éloigner l’orage dont elles étaient menacées, et le monde eut un moment de repos. Le nom d’Alaric a quelquefois été répété par les Muses, que son aspect devait effrayer. Claudien l’a représenté comme sa héros cruel et barbare. Un poëte moderne, qui avait l’enflure, de Claudien, sans avoir son génie, a pris le roi des Goths pour le sujet d’un poème épique. Tout le monde connait ce vers de Scudéri, cité par lioileau :

Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre.

Alaric n’était pas sans modération ; son ambition eût été flatté peut-être de la gloire de fonder un grand État ; mais il connaissait les Goths, peuple turbulent et indiscipliné. Désespérant de rien établir de durable avec de tels hommes, il se servit de leurs armes pour tout bouleverser. Ce fut lui qui, le premier, enseigna aux barbares le chemin, de Rome, et qui leur apprit que le temps était venu de braver l’ancienne maîtresse du monde. Le règne d’Alaric est une des époques les plus remarquables de l’histoire du Bas-Empire, et l’on doit regretter qu’elle ait échappé au pinceau de Montesquieu. Le chef des Visigoths forma, pendant sa vie errante, et dans le cours de ses expéditions, les éléments d’une monarchie militaire qui, après sa mort, s’établit dans l’Aquitaine, et dans la suite en Espagne, ou elle a subsiste plusieurs siècles. M-d.


ALARIC II, roi des Visigoths, fils d’Euric, qui avait conquis l’Espagne, lui succéda en 484, et régna, comme lui, non-seulement dans la péninsule, mais dans la province d’Aquitaine, depuis les Pyrénées jusqu’au Rhône. Plus tolérant et plus modéré que son père, il permit aux évêques de ses États de s’assembler à Agde, en 500, et chargea, la même année, Anien, l’un de ses principaux officiers, de faire un abrégé du Code Théodosien, à l’usage des Visigoths. Delà vient que les provinces méridionales de France ont été régies si longtemps par le droit romain. Alaric avait senti combien les lois romaines étaient supérieures aux lois barbares que ses prédécesseurs avaient suivies. La Gaule était partagée, il cette époque, entre les Romains, les Visigoths et les Bourguignons. Clovis, qui avait déjà conquis une grande partie des possessions romaines, regardait d’un œil jaloux la puissance d’Alaric, et n’attendait qu’un prétexte pour l’attaquer. Le roi des Visigoths portait, au contraire, toute son attention à maintenir le traité de paix qu’Euric, son père, avait conclu avec les Francs. Clovis lui, ayant demandé Svagrius, général romain qu’il avait défait ; et qui s’était retiré à la cour du roi des Goths, Alaric eut la lâcheté de livrer cet infortuné, que le roi des Francs fit mourir. Cette basse condescendance ne put garantir Alaric des projets ambitieux de Clovis. Sous prétexte de porter les lumières de la foi chez les Goths, qui avaient embrassé l’arianisme, et « pour détruire, disait-il, cette nation impie, » il marcha, à la tête d’une puissante armée, contre Alaric, qu’il rencontra dans les plaines de Vouillé. à trois lieues de Poitiers. Les Goths furent défaits, et leur roi, renversé de cheval par Clovis, périt de la propre main du roi des Francs (507). Cette bataille fut décisive, et Clovis aurait anéanti la puissance des Visigoths dans les Gaules, si Théodoric, roi des Ostrogoths, et parent d’Alaric, qui régnait en Italie, n’eût mis un terme à ses succès auprès d’Arles. Frédégaire, et après lui Sigebert, ont écrit que la mort d’Alaric rendit Clovis maître de tout ce que les Visigoths avaient en deçà des Pyrénées. Il est certain cependant qu’ils conservèrent encore la Septimanie et la Provence. La mort d’Alaric fut suivie de grands troubles. Théodoric, roi d’Italie, prit le gouvernement de l’Espagne, connue tuteur d’Amalaric, fils et successeur d’Alaric II. (Voy. Amalaric.) B-p.


ALARY (Pierre-Joseph), prieur de Goumay-sur-Marne, né à Paris le 19 mars 1690, fut l’élève et l’ami de l’abbé de Longuerue. Accusé, en 1718, d’avoir eu part à la conspiration de Cellamare, cette circonstance, qui aurait pu le perdre, fut cause de sa fortune. Il se justifia, et son juge devint son protecteur. « Vos accusateurs, lui dit le régent, nous « ont servis l’un et l’autre, en me procurant l’occasion « de vous connaître. » Alary fut nommé sous-précepteur de Louis XV, auquel il fut chargé d’ap-