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moin de la terrible catastrophe du 10 août. Alfieri, qui brûlait du plus pur enthousiasme pour la vraie liberté, ne put voir qu’avec horreur ou mépris le fantôme trompeur que les révolutionnaires français adoraient sous ce nom ; il prit le parti de quitter la France, et alla finir avec son amie à Florence. Il avait perdu à Paris une grande partie de sa fortune, et la pension de 60,000 livres que la comtesse d’Albany recevait de la France avait été supprimée ; mais il leur restait des ressources, et le gouvernement anglais vint généreusement au secours de la veuve du dernier des Stuarts, en lui assurant un revenu plus considérable que celui dont elle avait été privée. À Florence, ils menèrent une vie retirée. Alfieri, dont les occupations littéraires avaient souffert une longue interruption, eut alors l’idée de réparer le temps perdu ; mais il se livra à un travail si peu modéré, qu’il fut atteint d’une maladie aigüe qui mit un terme à sa vie, le 8 octobre 1803. La comtesse lui fit élever, dans l’église de Santa-Croce de Florence, un superbe tombeau, qui a été exécuté d’après la dessins et sous la direction du célèbre Canova. Elle eut aussi le soin de faire publier une trés-belle édition de ses œuvres choisies, autre monument non moins propre à perpétuer la mémoire de celui pour lequel elle avait une admiration qui tenait de l’enthousiasme. — À cette époque, M. Clarke (depuis duc de Feltre), qui résidait à Florence en qualité de ministre de France, fit tous ses efforts pour être présenté dans la société de madame d’Albany, et ne put y parvenir. Le culte de M. Clarke pour madame d’Albany se fondait sur ce sentiment naturel qui porte à rechercher la société d’une femme d’esprit, et sur cet enthousiasme qui, dans ses idées de famille jacobite, lui faisait voir dans cette même femme la reine légitime d’Angleterre. Madame d’Albany ayant toujours partagé les profonds sentiments de haine qu’Alfieri fit si souvent éclater contre le nouvel ordre de choses en France, le gouvernement de ce pays ne manqua pas, dès qu’il devint maître de la Toscane (1807), d’inquiéter cette dame par une surveillance minutieuse, et finit par la mander à Paris. Admise en présence de Napoléon, la comtesse écarta, par des raisons si solides, les soupçons qui planaient sur elle, que l’Empereur parut honteux d’y avoir ajouté foi, et lui accorda en termes pleins de bienveillance la permission de retourner à Florence. Revenue dans ses foyers, après plus d’une armée d’absence, elle reçut des Florentins l’accueil le plus flatteur. Plus tard, elle admit dans son intimité un peintre français distingué, François-Xavier Fabre, qui avait été lié avec Alfieri ; et par un testament, fait en 1817, elle l’institua son héritier universel. — Madame d’Albany mourut le 29 janvier 1824, à l’âge de 72 ans. Ses restes furent déposés dans le tombeau qui renferme ceux d’Alfieri, conformément au désir que ce poëte avait exprimé dans l’épitaphe qu’il composa pour lui-même. Le monument que Fabre a consacré à sa mémoire est un chef-d’œuvre de simplicité, de grâce et d’élégance : il consiste en un cippe auprès duquel se groupent deux génies ailés tenant une urne cinéraire ; le fût du cippe est couvert de bas-relief allégoriques qui font allusion aux qualités de l’illustre défunte, et le socle porte une inscription latine au style lapidaire. Ce monument, dont les dessins sont dus à Percier, architecte français, et l’exécution en marbre à Santarelli, sculpteur de Florence, est placé à peu de distance de celui d’Alfieri, que nous avons cité plus haut. — La galerie de Florence possède un portrait fort ressemblant de madame d’Albany, au bas duquel on remarque des vers tracés de la main d’Alfieri. Fabre, qui recueillit dans la succession de cette dame les manuscrits, livres et tableaux qui avaient appartenu à Alfieri, tint en cette circonstance la conduite la plus noble et la plus généreuse : il en donna une partie à la bibliothèque Médicis, de Florence, et l’autre au musée de Montpellier, sa ville natale. Quelques biographes ont prétendu que madame d’Albany s’était unie par un mariage secret à Alfieri, et qu’après la mort de ce poëte, elle avait épousé Fabre. (Voy. Stuart.) Ce dernier fait est démenti par Fabre lui-même, qui regarde le premier comme également controuvé. Il a déclaré que les papiers de la comtesse et d’Alfieri, qu’il avait eu sa possession, ne laissent apercevoir aucune trace de ce mariage. M-a.


ALBATEGNIUS. célèbre astronome arabe. dont le nom propre est Mohammed-Ben-Djadir-Ben-Senan, Al-Battany, Al-Harrany. Il commença ses observations astronomiques vers l’an 264 de l’hégire (877 de J.-C.), les continua jusqu’en 918, tantôt à Racca, tantôt à Antioche, et mourut en 317 de l’hégire (929 de J.-C.). Lalande le place dans le nombre des vingt plus célèbres astronomes qui aient paru. Pendant quarante deux ans lunaires consacrés à l’astronomie, Albategnius fit plusieurs observations, qu’il rapporte dans sa Table sabéenne (Zydge Sabyl), partie à l’année 882 de J.-C., partie à l’année 901. Cet ouvrage a été imprimé.sous ce titre : de Scientia stellarum, à Nuremberg, 1537, in-8o, et, en 1645, in-4o, à Bologne ; l’original arabe se trouve, dit-on, parmi les manuscrits du Vatican, et n’a jamais été un imprimé. On n’en aurait qu’une idée très-imparfaite, si l’on croyait qu’Albategnius n’y parle que des étoiles : sous ce nom générique, sont aussi comprises les planètes. Ce livre est trop peu connu ; ce qu’on doit attribuer au style barbare du traducteur, qui paraît n’avoir su ni le latin ni l’astronomie. On y trouve une trigonométrie fort différente de celle des Grecs, et fondée sur la projection orthographique. Au lieu de cordes, il emploie les sinus, auxquels il conserve le nom de cordes, et qu’il exprime en parties sexagésimales du rayon. C’est dans son livre qu’on trouve la première notion des tangentes ; on y voit que les Arabes se servaient de ces lignes dans leur gnomonique ; qu’ils en avaient des tables, qui leur donnaient la hauteur du soleil par la longueur de l’ombre, et réciproquement. Mais il n’a su tirer aucun parti de cette idée pour la trigonométrie. Regiomontanus, à qui l’on attribue l’introduction des tangentes, peut en avoir pris l’idée dans l’ouvrage d’Albategnius, qu’il a commenté. On ne cite guère d’Albategnius que ses