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ALB

nétable de Luynes, était le neuvième enfant de Louis-Charles d’Albert, duc de Luynes, grand fauconnier France. Il naquit en 1672, et porta, dans sa jeunesse, le nom de chevalier d’Albert. Il se trouva, en 1688 ; en qualité de volontaire, au siége de Philisbourg ; en 1690, il reçut deux coups de feu à la bataille de Fleurus ; il commande, en 1693, le régiment Dauphin dragons, et combattit, à la tête de ce corps, à Steinkerque, où, il fut de nouveau blessé. En 1703, il passa en Bavière avec le maréchal de Villars ; il s’attacha à la cour de l’électeur, qui le créa lieutenant général ; connu alors sous le nom de comte d’Albert, il fut fait successivement chambellan, grand écuyer, ministre, et colonel des gardes bavaroises. L’électeur étant monté sur le trône impérial, sous le nom de Charles VII, en 1742, nomma le comte d’Albert feld-maréchal, et l’envoya en France en qualité d’ambassadeur extraordinaire. Par un diplôme de la même année. Charles VII créa Albert mince du St-Empire romain, et on l’appela dès lors le prince de Grimberghen, du nom des riches domaines que lui avait apportés en mariage une princesse de Berghes. Le prince de Grimberghen mourut le 10 novembre 1758, âgé de 87 ans. Il avait conservé le goût des lettres au milieu des affaires publiques et dans les camps. On a de lui : le Songe d’Alcibiade, supposé traduit du grec, Paris, 1735, in-12, réimprimé avec Timandre instruit par son génie, et plusieurs autres opuscules, sous le titre de : Recueil de différentes pièces de littérature, Amsterdam, 1759, in-8o. On assure, dit Barbier dans son Examen critique, que les ouvrages attribués au prince Albert sont de l’abbé Pic, son précepteur. S-y.


ALBERT, ou ALBÉRIC, chanoine et gardien de l’église d’Aix en Provence, sa patrie, où il mourut, vers l’an 1120, âgé d’environ 60 ans, est auteur d’une histoire de la première croisade, depuis l’an 1095 jusqu’à 1120, seconde année du règne de Baudouin II, roi de Jérusalem. Albert n’avait point été témoin des événements qu’il raconte ; mais il avait puisé à d’assez bonnes sources, au moins pour le matériel des faits. Il faut lui savoir gré, comme dit Bongars, d’avoir donné la vérité toute nue, et avec tous les détails qui la rendent piquante. Comme tous ses contemporains, il se laisse séduire par le merveilleux, et n’épargne pas assez les miracles ; il défigure quelquefois les noms des lieux et des personnages. Rhener Reineck fit imprimer cette histoire, pour la première fois en 1584, à Helmstœdt, 2 vol. in-4o, sous le titre Chronicon Hierosolimitanum. Cette édition est accompagnée de commentaires de l’éditeur, et de réflexions de Mathieu Dresser, où les papes sont peu ménagés. Bongars a réimprimé l’histoire d’Albert d’Aix, dans le premier volume du Gesta Dei per Francos. A. B-t.


ALBERT, ou OLBERT, auteur ecclésiastique du 11e siècle, naquit à Ledern, village des Pays-Bas, et embrassa la règle de St-Benoit dans le monastère de Lobbes. Il étudia successivement à Paris, à Troyes et à Chartres, sous le célèbre Fulbert ; devint abbé de Gembloux, puis de St-Jacques à Liège, où il mourut en 1048. Il avait écrit des vies des saints, composé des hymnes et quelques autres ouvrages de piété, et seconda utilement Burchard, évêque de Worms, qui avait été son disciple, dans la rédaction du Magnum volumen canonum. (Voy. Burchard.) Z.


ALBERT le Grand, autrement Albertus Theutonicus, frater Albertus de Colonia, Albertus Theutonicus Ratisbonensis, Albertus Grotus, de la famille des comtes de Bollstœdt, naquit, selon les uns, en 1193, selon les autres, en 1205, à Lauingen, en Souabe. On a prétendu que le surnom de Grand était qu’une traduction de Grot, Groot ; en haut allemand, Gross (Grand), nom distinctif d’une branche de sa famille ; mais cette supposition est gratuite, les comtes de Bollstœdt n’ayant jamais porté ce nom ; d’ailleurs l’étendue des connaissances d’Albert, si étonnante pour son siècle, motive assez l’épithète que ses contemporains ont ajoutée à son nom. Pour jeter le plus grand éclat, et se placer au premier rang parmi les philosophes, il ne lui a manqué que de naître dans des temps plus favorables au développement d’un grand génie. Il fit ses premières études à Pavie, où il surpassa tous ses condisciples. La rapidité de ses progrès a été consacrée par une fable qui admet plus d’une explication. Découragé, dit la légende, par les difficultés qu’il trouvait dans la carrière des sciences, il méditait de l’abandonner, quand il fut honoré d’une visite de la Ste. Vierge, qui dessilla les yeux de son entendement, et lui promit qu’il serait un jour une des plus grandes lumières de l’Église. Albert s’appliqua de préférence à la philosophie, et sa divine protectrice lui en accorda la faculté. À partir de ce jour, il devint tout autre, et ses progrès devinrent aussi rapides qu’ils avaient été lents jusque-là. L’ascendant d’un de ses maîtres, le célèbre dominicain Jordanus, le décida à entrer dans l’ordre de St-Dominique, en 1221. Sa réputation lui ayant fait confier, dans cette société, l’instruction de la jeunesse, on l’envoya bientôt en divers lieux enseigner la philosophie et la physique. Après avoir professé à Cologne, à Ratisbonne, à Strasbourg, à Hildesheim, il se rendit à Paris, dont les écoles jouissaient alors de la plus haute réputation en Europe. Albert y commenta Aristote avec le plus grand succès. Ses leçons attirèrent une si grande affluence de disciples, que les salles destinées aux cours s’étant trouvées trop petites, il fut obligé de faire la classe en plein air, sur une place qui, de son nom, retint celui de place de maître Albert, et, par corruption, de place Maubert. Comme la doctrine du philosophe de Stagyre venait alors d’être proscrite tout récemment par une bulle papale, plusieurs des biographes d’Albert ont exprimé leur étonnement et leur doute sur ses cours publics de philosophie péripatéticienne à Paris ; mais, outre qu’un raisonnement ne détruit pas un fait attesté par tous les anciens historiens de sa vie, ce n’est là qu’un exemple de plus de l’inutilité des défenses qui sont en opposition avec l’opinion générale. Albert contribua vraisemblablement à faire revenir le saint-siége sur sa décision, et il lui fut permis d’expliquer publiquement les livres d’Aristote sur la physique.