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de Mécénas. Elle était jointe à la précédente dans les manuscrits ; Scaliger crut devoir, l’en séparer. Jean le Clerc, sous le nom de Théodore Goralle, a donné, en 1703, à Amsterdam, une édition in-8o de ce qui reste des poésies d’Albinovanus, avec des notes de Scaliger, d’Heinsius, etc. Il a adopté l’opinion du premier de ces savants, et pense qu’Albinovanus ne fit que mettre en vers les propres paroles de Mécénas, 4° Enfin, un fragment du poème sur le voyage de Germanicus, cité ci-dessus. Ce morceau, en vers hexamètres, et une description des dangers qui menacèrent le prince et ses soldats, sur une mer peu connue des Romains. Il a été conservé par Sénèque, qui le préférait à tout ce que les autres auteurs latins avaient écrit sur de pareils sujets. Martial a également donné des éloges à Albinovanus. Ovide se félicite, dans une épître en vers qu’il lui adressa pendant son exil (ex Ponto, lib. 4, epist. 10), de ce que, malgré sa disgrâce, il conserve toujours l’amitié d’Albinovanus. D-t.


ALBINUS (Décimus-Claudius), issu des illustres familles romaines les Céiones et les Posthumes, à Adrumète, en Afrique. On lui donna le surnom d’Albinus, parce qu’il était d’une extrême blancheur en venant au monde ; il apprit le grec, fit des progrès dans les lettres, et composa un traité sur l’agriculture, ainsi que des contes du genre des Fables silésiennes ; un goût invincible l’entraîna dans la carrière des armes, et souvent, en parlant de ce penchant que sa raison combattait, il citait ce vers de Virgile, que sa fin malheureuse put faire considérer comme une espèce de prophétie :

Arma amens capio, nec sat rationis in armis.

En l’an 175 de J.-C., 15e du règne de Marc-Aurèle, il empêcha l’armée qu’il commandait en Bithynie de se joindre au rebelle Avidius Cassius. Le consulat fut, dit-on, le prix de sa fidélité ; il est vrai que Marc-Aurèle ne laissait aucune action estimable sans récompense ; toutefois, on doit observer que le nom d’Albinus ne parait point à cette époque dans les Fastes consulaires. Gouverneur des Gaules sous Commode, il battit les Frisons, et commanda ensuite dans la Bretagne. Commode, qui craignait que deux chefs militaires ne méditassent une révolte, voulut s’assurer d’Albinus ; il lui écrivit, et lui permit de prendre, à la tête de l’armée, le titre de César ; mais Albinus, pressentant la chute prochaine de ce monstre, refusa prudemment ses offres. Un faux bruit de la mort de Commode s’étant répandu en Angleterre, Albinus y ajouta foi, et fit à son armée la proposition de rétablir la république. En agissant ainsi, Albinus se rendit cher au sénat ; mais Commode, irrité, envoya en Angleterre Junius Severus, pour remplacer Albinus. Ce nouveau gouverneur n’était pas encore arrivé dans l’ile, lorsqu’on y reçut la nouvelle, authentique cette fois, que Commode avait été immolé, à la vengeance des Romains. Sévère, proclamé empereur, avait pour concurrents Julien et Pescennius Niger ; il écrivit à Albinus une lettre par laquelle il lui témoignait le désir de l’adopter, et lui donnait le nom de César. Albinus se conforma aux intentions de Sévère, et se revêtit, en présence de son armée, des marques de sa nouvelle dignité ; mais Sévère n’avait ainsi contribué à l’élévation d’Albinus que pour diminuer le nombre de ses propres ennemis : lorsqu’il eut vaincu les principaux d’entre eux, il résolut de se défaire d’un rival aussi aimé du sénat que lui-même en était haï ; Albinus soupçonna les projets de Sévère, et fit arrêter les assassins qui devaient employer contre lui le fer et le poison : les tortures leur firent avouer la vérité. Albinus alors prit le titre d’empereur, et passa d’Angleterre dans les Gaules. Sévère, de son côté, se hâta de revenir d’Illyrie, et de marcher contre lui. Dans une bataille qui avait précédé son arrivée, ses troupes avaient été défaites : il n’en fut que plus déterminé à accélérer sa marche, et envoya une armée en Italie pour empêcher son compétiteur d’y entrer. Le sénat, qui avait témoigné tant d’affection pour Albinus, s’empressa aussitôt de le déclarer ennemi de la patrie. L’année suivante, Sévère passa les Alpes, et s’approcha de Lyon, d’où Albinus avait le dessein de se rendre en Italie. Ce dernier rassembla promptement ses troupes, et obtint d’abord un nouveau succès, en battant Lupus, un des généraux de Sévère ; ensuite, les deux rivaux se livrèrent une grande bataille, le 19 février 197, dans une vaste plaine, près de Trévoux ; chaque armée était composée de plus de 150,000 hommes, et la victoire fut longtemps disputée ; à la fin, l’aile gauche d’Albinus fut entièrement défaite, et son camp pillé ; l’aile droite, au contraire, commença par remporter un si grand avantage, que Sévère, selon Hérodien, fut contraint de fuir, après s’être dépouillé des ornements de sa dignité. À ces détails, Spartien ajoute que Sévère fut blessé, et que l’armée, qui le croyait mort, eut l’intention de proclamer un nouvel empereur ; Dion dit qu’il eut un cheval tué sous lui, et que, s’étant jeté l’épée à la main au milieu de ses soldats qui fuyaient, il parvint à les ramener au combat, et à remporter la victoire. L’armée de Sévère, poursuivant les vaincus, entra dans Lyon, et y mit le feu ; Albinus, qui s’était retiré dans une maison sur les bords du Rhône, se donna la mort, selon Dion. Si l’on en croit d’autres historiens, il se fit tuer par un de ses soldats, ou bien, ayant reçu une blessure mortelle, il fut traîné devant Sévère, qui le vit expirer. Le vainqueur fit fouler aux pieds de son cheval le cadavre de son ennemi, et voulut qu’il restait exposé sur le seuil de la porte, jusqu’à ce qu’il fût dévoré par les chiens ; on en jeta les lambeaux dans le Rhône, et l’on porta sa tête à Rome, où elle fut exposée dans la place publique. Sévère se vengea d’une manière terrible sur la femme, les enfants et les amis d’Albinus ; il les fit tous massacrer, et écrivit au s&nat cette phrase effrayante : « Je « vous envoie la tête d’Albinus, afin que vous puissiez « sentir que vous m’avez offense, et être frappés « des effets de mon ressentiment. » Les Sénateurs et le peuple furent d’autant plus épouvantés, qu’ils savaient que Sévère avait en sa possession tous les papiers d’Albinus. D-t.


ALBINUS, romain, de la classe plébéienne, mé-