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dont chaque membre emprunta le nom d’un personnage de l’antiquité. Charlemagne y prit celui de David, et Alcuin, celui de Flaccus Albinus. Alcuin repassa en Angleterre ; ou il fit un séjour de trois ans ; mais il revint en 792 en France, pour n’en plus sortir. Ce fut alors qu’il fonda, sous les auspices du prince, plusieurs écoles florissantes, à Aix-la-Chapelle, à Paris, etc. Bientôt il joignit, au titre de restaurateur des études. celui de défenseur de la foi contre Elipand, et Félix, évêque d’Urgel, qui renouvelait en Espagne les erreurs du nestorianisme. Il eut, dans le même temps, l’abbaye de St-Martin de Tours. Alcuin se, trouva puissamment riche, et c’est sans doute au nombre des serfs des monastères dont il était le chef, qu’Elipand de Tolède fait allusion, lorsqu’il lui reproche d’avoir 20,000 esclaves ; jamais l’éclat de ces richesses n’éblouit ni ne corrompit Alcuin. Après avoir servi utilement son prince dans les négociations, et l’avoir accompagné au concile de Francfort en 794, il ne cessa de demander sa retraite, sans pouvoir l’obtenir ; lorsqu’en 799, Charlemagne l’invita à le suivre à Rome, il s’en excusa sur son grand âge et ses infirmités. En 801, au retour du monarque, il ne reparut à la cour que pour le féliciter sur la couronne impériale que ce prince rapportait de Rome, et sollicita son congé avec de nouvelles instances. L’ayant enfin, obtenu, il se retira dans son abbaye de St-Martin de Tours, et ouvrit une école, où sa réputation attira un grand concours d’auditeurs. Quoiqu’éloigné de la cour, il y conserva toute la considération dont il avait joui, entretint une correspondance suivie avec l’empereur et les princesses, et n’usa de son crédit que pour se dépouiller de ses bénéfices. Délivré alors de tout soin temporel, il se livra entièrement à la prière et à l’étude, et fit de sa main une copie correcte de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ce fut dans ces pieux exercices qu’il mourut, le 19 mai 804, âgé de près de 70 ans. Il avait, par humilité, voulu rester diacre toute sa vie. Ses œuvres ont été recueillies à Paris, en 1617, in-fol., par André Duchesne, qui a placé à la tête la vie de l’auteur. Depuis, M. Trében. prince-abbé de St-Emmerande, en a donné une édition plus ample, Ratisbonne, 2 vol. in-fol., 1777. Cette édition est augmentée de près de moitié par des ouvrages d’Alcuin récemment découverts, et enrichie de notes précieuses. Le P. Chifflet a aussi publié un écrit intitulé : Confession d’Alcuin, 1656, in-4o, que D. Mabillon prouve être de ce savant théologien. Fr. Pithou a placé, dans son Recueil des Rhéteurs, son dialogue sur la rhétorique, dont les interlocuteurs sont Alcuin lui-même et Charlemagne. théologien, philosophe, orateur, historien, poëte, mathématicien, Alcuin savait le latin, le grec et l’hébreu, et réunit toutes les connaissances de son temps. Sans doute ses écrits se ressentent du goût de son siècle, et ils sont loin de justifier aujourd’hui l’estime de ses contemporains, qui l’appelaient le sanctuaire des arts libéraux, artium liberalium sacrarium ; mais il est juste aussi d’insister sur les services qu’il a rendus. aux lettres, dans la nuit profonde dont les ténèbres couvraient alors toute l’Europe, et sur le noble usage qu’il fit de la confiance de Charlemagne. On nous a conservé, de son intimité avec ce prince, des détails qui, prouvent qu’il était de dire la vérité, comme le monarque était digne de l’entendre. Charlemagne disait un jour, en soupirant : « Plût à Dieu, « que je trouvasse douze hommes aussi savants que « Jérôme et Augustin ! — Comment, répondit Alin, « le Créateur du ciel et de la terre, Jésus-Christ, « pour annoncer son nom, n’a eu que deux « hommes de cette supériorité, et vous, « osez en demander douze ! » Le trait suivant semblerait faire peu d’honneur à sa modestie, si l’on ne devait pas plutôt y voir une preuve de son discernement. Un jour il rendait compte à l’empereur des soins qu’il donnait à l’instruction de ses sujets : « Je « ne prodigue pas à tous : disait-il, les trésors que je « possède ; je les partage. Je frotte les lèvres de l’un « du miel, des saintes Écritures ; j’enivre l’autre du « vin veux de l’histoire ancienne ; je nourris un « troisième des fruits de la grammaire ; je fais briller « aux yeux du dernier les scintillations des « étoiles. Chacun à son lot, et doit s’en contenter » N-l.


ALCYONÉE, fils d’Antigone, Voyez ce nom.


ALCYONIUS (Pierre), naquit à Venise, de parents pauvres et d’une basse naissance, vers la fin du 15e siècle. Il est probable qu’Alcyonius, ou Alcyonio, n’était point son nom de famille, mais qu’il le prit dans la suite, selon l’usage de son temps, pour se donner un air d’antiquité. L’étude des langues latines et grecque fut la principale occupation de sa jeunesse. La pauvreté le força de se faire correcteur d’imprimerie chez Alde Manuce. Il se présenta, en 1517, pour remplir la chaire que Marc Musurus, son maître, laissait vacante ; mais il ne l’obtint pas, malgré son profond savoir dans les deux langues, peut-être à cause de sa jeunesse. Il s’exerçait continuellement à traduire du grec en latin les harangues d’Isocrate, de Démosthène, et plusieurs ouvrages d’Aristote. Ces dernières traductions ont été imprimées à Venise, en 1521 ; celle des harangues ne l’a pas été. L’élégance du style est remarquable ; mais on reproche à l’auteur de nombreuses infidélités. Le savant espagnol Jean Genesio Sepulveda, qui était alors à Bologne, les releva dans un ouvrage qu’il fit imprimer. Alcyonius fut si sensible à cette critique, que, pour l’empêcher de se répandre, on dit qu’il en acheta tous les exemplaires et les jeta au feu, et non pas son propre ouvrage, comme quelques écrivains l’ont dit. Il passa, en 1521, de Venise à Florence où il obtint, par la faveur du cardinal Jules de Médicis, la chaire de langue grecque, avec des conditions très-avantageuses ; le cardinal y ajouta une pension, pour qu’il traduisit en latin le livre de Galien : de Partibus animalium, Jules étant devenu pape sous le nom de Clément VII, Alcyonius, rempli des plus hautes espérances, le suivit à Rome ; mais il n’y éprouva que des disgrâces. Blessé d’un coup de mousquet, on 1527, lorsqu’il accompagnait le pape dans sa retraite au château St-Ange, et voyant que Clément VII ne l’en traitait pas mieux, il se