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ABB

sions ottomanes ; et ses succès, balancés du reste par quelques défaites, amenèrent, sous l’influence anglaise, un traité avantageux au royaume (le traité d’Erzeroum, 1823). La Perse ne devait pas longtemps jouir de la paix. Le prince Menzikoff, qui fut chargé d’annoncer au schah l’avènement de l’empereur Nicolas (1825), avait également et surtout pour mission de demander la fixation définitive de la ligne frontière des deux pays. Abbas-Mirza conseilla d’abord à son père de ne se prêter à aucun arrangement, à moins que l’envoyé moscovite ne consentit à faire évacuer auparavant le territoire situé aux environs du lac de Goktcha. Les intentions de la Russie étant connues, on était certain que poser la question dans ces termes, c’était amener une collision immédiate. Feth-Ali tempéra les dispositions hostiles de son fils ; le prince Menzikoff fut reçu par Abbas lui-même, avec beaucoup de distinction, dans son magnifique palais de Tauris, et se rendit de la au camp de Sultanieh, où l’attendait le roi. L’accueil bienveillant de S. M. persane semblait devoir conduire à une conclusion amiable ; le plénipotentiaire russe entra en négociations avec le premier ministre Alaîr-Kan ; mais la cour de Teheran ne se départit point de ce principe : la restitution du littoral du lac de Goktcha, quoiqu’à une autre époque l’héritier du trône eût personnellement écrit, à ce qu’il parait, au général Yermoloff qu’il consentirait volontiers a l’échange de ce territoire contre le pays compris entre le Kapan et le Kapahatschay. En ce moment, le fils de Feth-Ali voulait la guerre, et bien que Menzikoff ne mit véritablement pas de précipitation à rompre les négociations, la Perse prit feu, et Abbas sut habilement soulever les passions religieuses et le patriotisme fanatique, des mollah en faveur de ses vues. — Des protestations isolées contre la Russe témoignaient de l’esprit des populations ; et, malgré les efforts de l’envoyé anglais pour empêcher une rupture, le prince royal triompha de la résistance, d’ailleurs peu difficile à vaincre, qu’il avait rencontrée dans l’esprit de son père. En même temps la garnison russe d’Arkivan était égorgée par le kan de Talyschyne, et ce ne fut qu’à travers mille dangers que Menzikoff put gagner la frontière moscovite. Les deux puissances se préparèrent à en venir aux mains. Abbas-Mirza, à la tête d’une armée d’environ 40,000 hommes, s’avança dans la province de Karabag. Au début de la campagne, il obtint quelques avantages peu importants, mais qui cependant augmentèrent son ardeur et sa confiance. Il détacha de son armée Mohamed-Mirza, son fils, et l’envoya sur la route de Tiffis ; le jeune prince livra une bataille désastreuse dans laquelle un de ses oncles perdit la vie. Abbas arrive au secours de son fils ; le 21 septembre 1826, il est en présence des Moscovites, sur les bords de la rivière de Djeham, à peu de distance d’Elisabethpol. Les Persans étaient bien supérieurs en nombre, mais les Russes l’emportaient par la discipline, et en rase campagne, ils pouvaient espérer la victoire. Les officiers européens qui se trouvaient auprès d’Abbas le lui firent observer ; mais il se croyait tellement assuré de vaincre, qu’il ne voulut peint laisser échapper l’occasion de combattre ; la fortune trompa cruellement ses calculs. Son armée fut mise dans la plus complète déroute ; ses troupes se dispersèrent dans les directions les plus opposées ; son matériel de guerre, trois drapeaux restèrent sur le champ de bataille, et lui-même s’enfuit accompagné de quelques cavaliers seulement, abandonnant en partie son trésor au pillage de ses propres soldats. Tel était son abattement, qu’il n’osait plus se présenter devant le roi, lui, son fils bien-aimé ! mais, suivant quelques relations, Feth-Ali lui fit savoir qu’il ne lui gardait point rancune, et le reçut avec bienveillance. Suivant d’autres, témoignages, au contraire, le schah, qui n’était entré qu’à regret dans cette guerre, aurait adressé de vifs reproches à son fils, il l’aurait même menacé de le déclarer déchu de ses droits au trône et de lui faire crever les yeux ; cette dernière version, qui est beaucoup moins dans nos mœurs, est beaucoup plus dans le caractère asiatique. Toujours est-il que Feth-Ali confia une nouvelle armée à son fils, sinon pour continuer la guerre, du moins pour en atténuer les conséquences ; car les Russes poursuivaient leurs conquêtes ; il est vrai qu’ils les poursuivaient avec peu d’activité et de manière à laisser voir qu’ils désiraient la paix. Le vieux roi l’appelait également de ses vœux ; l’Angleterre faisait effort pour l’amener et ne point laisser à la Russie un prétexte pour étendre plus loin sa domination en Asie ; Abbas lui-même, qui avait peut-être à se reprocher les malheurs récents du royaume, semblait prêt à changer de politique., Cependant les événements l’entraînèrent, et, l’année suivante, il marcha avec 40,000 hommes pour défendre la forteresse d’Abbas-Adab. Le général russe eut connaissance de son projet et voulut le prévenir. Plaçant seulement quelques troupes devant Abbas-Adab, il passe l’Araxe, arrive à la rencontre de l’armée persane campée sur des hauteurs, et n’hésite pas à engager l’action. Le prince royal, battu, poursuivi, laisse aux mains des Cosaques le drapeau victorieux, le principal étendard de Perse, et n’échappe qu’avec peine à ses vainqueurs. Malgré tous ces revers, il continuait à lancer des corps de cavalerie sur les frontières de la Géorgie russe ; et à quelque temps de là, il livra, non loin de l’Arabane, un combat dans lequel les Russes ne triomphèrent qu’avec des pertes considérables ; mais l’avantage devait leur rester partout ; après s’être rendus maîtres de la forteresse d’Abbas-Adab et de celle de Sadar-Adab, ils s’emparèrent également de Tauris, la seconde ville du royaume, et la résidence d’Abbas-Mirza. La populace de cette ville, fatiguée de la guerre, et, comme toutes les populaces du monde, toujours prête à se ranger du parti du plus fort, était sortie au-devant des Russes, et avait mis au pillage le palais du prince royal. Dès lors, mais peut-être encore avec plus de sincérité, la Perse demanda la paix. Le 29 octobre 1827, des propositions furent faites par l’entremise du gouverneur militaire de Tauris, et quelques jours plus tard Abbas-Mirza fit savoir au général russe qu’il était muni de pleins pouvoirs pour traiter : une convention