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malheureuse connaissait les dangers auxquels l’exposait une plus longue résistance ; elle céda, et peu de temps après le roi éprouva les symptômes les plus alarmants ; ses débauches non interrompues accélérèrent les progrès du mal ; un énorme abcès se manifesta à la gorge et creva, de manière que, ne pouvant prendre aucune nourriture, il périt, âgé de 38 ans, au milieu des plus cruelles douleurs, le 26 de rabyi 1er, 1077 de l’hégire (25 septembre 1666), à Khosrou-Abad, maison de plaisance située a deux lieues de Damégan, dans le Thabaristan, et fut enterré à Com, ou on lui éleva un magnifique tombeau, dont Chardin a donne le plan et la description. L-s.


ABBAS III, fils du faible et infortuné Thamas, dernier roi de la dynastie des Sophis, n’avait que huit mois lorsque l’ambitieux Thamas-Couly-Kan posa la couronne sur son berceau, le fit proclamer souverain de la Perse, et ordonna que les monnaies portassent le nom de ce roi enfant. Cette grotesque cérémonie, qui eut lieu au commencement du mois de rabyi 1er, 1114 de l’hégire (c’est-à-dire dans les premiers jours de septembre 1731, et non en 1732, comme le prétend le voyageur Hanway), avait un but profondément politique. Thamas voulait se débarrasser de la présence importune de Schah-Thamas, qui fut aussitôt envoyé dans la terre sainte du Khoraçan, pour y passer le reste de ses jours dans les exercices de piété, et il se mit ouvertement à la tête du gouvernement, en qualité de régent du royaume ; Abbas vécut 4 ans, et l’histoire de son règne est, comme on l’imagine bien, celle du conquérant persan, qui se fit couronner le 24 de chawwal 1148 (1er mars 1736). À dater de cette époque, son historien, ou plutôt son panégyriste, Mirza-Mehdy, ne parle plus jeune Abbas ; mais Hanway nous apprend qu’il était mort peu de temps avant l’inauguration de Nadir-Schah, c’est-à-dire au commencement de 1736. « Ce monarque enfant était d’une santé fort délicate, dit ce voyageur ; cependant on n’est pas certain qu’il ait péri de mort naturelle ; il est très-possible qu’on ait voulu faire disparaître le très-faible obstacle qui s’opposait à l’exécution des projets ambitieux de Thamas-Couly-Kan. » L-s.


ABBAS-MIRZA, fils de Feth-Ali et Schah-Zadéh de Perse. — Ce prince n’était point le premier né des innombrables enfants du roi-poëte. C’est au sang de sa mère, celui de la tribu régnante des Kadjars, qu’il dut la faveur d’être désigné pour héritier du trône. Faible et maladif jusqu’à sa dixième année, il se fortifia par des exercices violents, et dès ce moment son éducation eut quelque chose de viril et d’antique : traverser les fleuves à la nage, lancer le javelot, dompter des chevaux fougueux, telles furent les occupations de son jeune âge. Toutefois, il témoignait en même temps beaucoup d’ardeur pour l’étude. L’histoire de la Perse et les principales langues de l’Asie lui devinrent bientôt familières. Il eût également aimé à s’instruire dans les sciences et l’histoire de l’Europe, qui eurent toujours un vif attrait pour lui ; mais il n’en put acquérir que quelques notions sans suite dans ses rapports avec les voyageurs européens. — Abbas-Miraa fut préposé, à dix-sept ans, au gouvernement de la province d’Aderdbidjan et placé à la tête de l’armée. La Russie venait d’entreprendre la guerre pour faire rentrer le roi de Géorgie Gourkai en possession du territoire enlevé a son père par les Persans. Le Schah-Zadéh remporta deux victoires a Grandja et Erivan, secondé par Feth-Ali qui s’était arraché a la vie du harem, et avait lui-même pris les armes. Jusqu’alors les résultats de cette guerre étaient heureux, mais ils n’étaient pas décisifs. Abbas-Mirza ne se fit point d’illusion. « Le peuple vante mes exploits, disait-il à ce sujet à l’envoyé de Napoléon, M. Jaubert, moi seul je connais ma faiblesse. Qu’ai-je fait pour mériter l’estime des guerriers de l’occident ? Quelles villes ai-je conquises ? quelle vengeance ai-je tirée de l’invasion de mes provinces ? Je ne puis, sans rougir, jeter les yeux sur l’armée qui m’environne ! » En effet, ce prince avait compris toute l’infériorité de l’organisation militaire de la Perse, lorsqu’il avait pu la comparer à celle des troupes européennes, et il méditait de sages projets de réforme : il eût voulu régénérer son pays. « Parle, étranger, disait-il encore au savant diplomate français, dois-je, comme ce czar moscovite, qui naguère descendit de son trône pour visiter nos villes, dois-je abandonner la Perse et tout ce vain étalage de richesses ? ou plutôt faut-il en m’attachant aux pas d’un sage, aller m’instruire de tout ce qu’un prince doit savoir ? » — Cependant les hostilités continuaient, mais sans éclat, et leur importance s’effaçait devant celle des intrigues françaises et anglaises qui se disputaient en Perse une influence. (Voy. Feth-Ali.) En 1842, la guerre de Géorgie devint plus sérieuse. Nous trouvons Abbas sur les bords de l’Araxe, expiant ses premiers succès par une défaite sanglante et des pertes considérables en matériel. La Russie, après une longue et heureuse résistance, avait repris l’offensive et compensé largement ses premiers échecs. Le prince royal cherchait à se consoler de sa mauvaise fortune et à relever le courage de ses généraux, en leur répétant souvent qu’il apprenait beaucoup dans cette lutte désastreuse. « Chaque fois que les Russes me battent, disait-il, ils me donnent une leçon dont je tirerai plus de profit qu’ils ne pensent. » — Cette guerre aboutit au traité de Goulistan (1814). Le cabinet de St-Pétersbourg, après s’y être naturellement fait la part du vainqueur, y reconnaissait les droits d’Abbas-Mirza au trône paternel. — À peine les hostilités avaient-elles cessé sur ce point, qu’elles recommencèrent avec la Turquie, mue sans doute par les secrets conseils du Nord. Abbas y joua un rôle important. Son père semblait dès lors s’être entièrement déchargé sur lui des fatigues et des difficultés du commandement, et le Schah-Zadéh apparaît dans toutes les circonstances non plus seulement comme général, mais aussi comme négociateur. Ayant essayé de résoudre la question par les moyens diplomatiques, et attendu vainement des réparations pour les vexations de toute sorte auxquelles des sujets persans, des femmes même de son père avaient été soumises en traversant la province d’Erzeroum, il envahit définitivement les posses-