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ALF


ALFIERI (le comte Benoit-Innocent), architecte, naquit à Rome en 1700, et eut pour parrain le pape Innocent XII. Élevé dans cette ville au collège des jésuites, il s’y livra plus particulièrement à l’étude du dessin et des mathématiques. Il vint ensuite faire son droits à Turin, et embrassa la profession d’avocat dans la ville d’Asti, où, au milieu des discussions de la chicane, il conserva son goût pour les arts, surtout pour l’architecture, et fit alors pour l’église de Ste-Anne un clocher que l’on y remarque encore aujourd’hui. Il traça ensuite, sur la demande de son oncle le marquis de Gillini, le plan du beau palais que l’on voit sur la place d’Alexandrie, et qui fut admiré par le roi Charles-Emmanuel III, juste appréciateur de tels ouvrages. Ce prince voulut alors qu’Alfieri fût chargé de la construction d’une salle de spectacle à Turin pour remplacer celle qui venait d’être brûlée. Alfieri reçut avec modestie cette honorable proposition, et déclara que, n’étant pas architecte, mais simple amateur, il aurait besoin de visiter auparavant toutes les grandes salles de spectacle de l’Europe. Le roi accueillit cette demande, et fit tous les frais du voyage, dans lequel l’artiste fut accompagné du comte Robillant, officier du génie. À son retour, Alfieri présenta un plan qui fut accepté ; le roi le nomma son architecte ; et une des plus vastes et des plus belles salles de l’Italie fut construite sur la grande place du château. On remarque à Turin d’autres édifices exécutés sur les dessins d’Alfieri. Le roi Charles-Emmanuel lui donna le titre de comte de Sostegno avec une charge de gentilhomme de sa cour, et le combla de bienfaits jusqu’à sa mort, qui arriva le 9 décembre 1767. Alfieri a encore donne le plan de la belle façade du temple de St-Pierre à Genève. M. Paroletti lui a consacré une notice dans ses Piémontais illustres. G-G-y.


ALFONSE. Voyez les art. Alphonse.


ALFORD (Michel), cité quelquefois sous les noms de Flood, ou de Griffyth, était un jésuite anglais né à Londres en 1582. Il étudia la philosophie à Séville, la théologie à Louvain, fut cinq ans pénitencier à Rome, puis coadjurateur du supérieur du collège anglais de Liège ; enfin, recteur de la maison des jésuites de Gand. Ayant été envoyé en Angleterre, il fut arrêté et mis en prison, en débarquant à Douvres, et délivré aussitôt après par la protection de la reine. Alford se retira dans la province de Lancastre, où les occupations de son ministère lui laissèrent le loisir de recueillir es matériaux pour ses Annales ecclésiastiques et civiles d’Angleterre. Étant repassé sur le continent en 1652, pour les mettre en ordre. Il mourut la même année à St-Omer : mais son travail ne fut pas perdu. Il est auteur des trois ouvrages suivants : 1o  Vie de St. Winefrid, traduite du latin de Robert, prieur de Shrewsbury, 1635, sous le nom de Jean Flood ; 2o  Britannia illustrata, sive luvii, Helenæ, Constantini Patria et Fides, Anvers, 1641 ; 3o  Annales ecclesiastici et civiles Britannorum, Saxonum, etc., Liège, l663, 4 vol. Hugues Cressy a beaucoup profité de cet ouvrage dans son Histoire de l’Église d’Angleterre. T-d.


ALFRED, ÆLFRED, ou ALFRID, surnommé le Grand, 6e roi d’Angleterre de la dynastie saxonne, le plus jeune des cinq fils du roi Æthelwolf, leur successeur dans l’empire, et l’un des monarques qui ont le plus honore le trône et l’humanité, naquit en 849, à Wantage, dans le Berkshire. Petit-fils d’Egbert, qui n’avait réuni sous un sceptre unique les sept royaumes de l’heptarchie que pour avoir à les défendre contre les invasions et la cupidité trop heureuse des Danois, Alfred, à peine couronné, en 871, à l’âge de vingt-trois ans[1], eut à combattre ces fiers et cruels oppresseurs de son pays, contre lesquels il avait déjà déployé sa voleur sous le règne de son frère Æthelred. Il remporta d’abord des victoires, fut ensuite accablé par le nombre, se vit même abandonne des siens dans leur découragement[2], résolut de ne pas les abandonner dans leur malheur, et conçut tout à coup l’étrange projet de les sauver par

  1. Dit-sept ans auparavant, Rome avait fait couler sur son front l’huile sainte. Cette fois il reçut l’onction nationale : il fut élue par l’assemblée des chefs des guerriers et sages convoquée selon la coutume saxonne. V. R-d.
  2. Le caractère, l’éducation, les voyages d’Alfred expliquent cet abandon des siens. Il avait vu la France, et, ainsi qu’il est dit dans l’article que nous annotons, la capitale du monde romain, qui l’était déjà du monde chrétien ; il avait donc pu acquérir un fonds de lumières de beaucoup supérieur à celui de ses sujets. Il en résulta chez lui un orgueil peu compatible avec ses fonctions royales. S’il maltraitait les grands, il n’encourageait pas pour cela les petits ; son biographe ne cèle pas cette partie reprochable de sa vie. « Si l’on avait besoin de son aide. dit-il, il dédaignait d’accueillir et d’écouter la plainte, ou plutôt il comptait pour rien ses sujets. Ille vero noliat eos audire, ne aliquod auxilium impendevat, sed omnino eos nihili pendebat. » (Asserius Menevensis, p. 31). Traiter ainsi un peuple, c’était à coup, sur mériter d’être abandonné au jour du danger. Alfred avait besoin de se régénérer aux sources du malheur. Lors donc que se présentèrent les Danois ; « ce fut vainement, dit un ingénieux historien (M. Augustin Thierry, Conquête de l’Angleterre, t. Ier), ce fut vainement qu’Alfred envoya par les villes et les hameaux son messager de guerre portant une flèche et une épée nue ; qu’il publia la vieille proclamation à laquelle nul Saxon en état de porter les armes n’avait jamais résisté : Que quiconque n’est pas un homme de rien, soit dans les bourgs, soit hors de bourgs, sorte de sa maison et vienne. Peu d’hommes vinrent ; et le roi se vit presque seul avec le petit nombre d’amis qu’il enchantait de son savoir et qu’il touchait souvent jusqu’aux larmes par la lecture de ses écrits. » Force lui fut bien alors de prendre la fuite, et partant ; il est douteux qu’il ait songé en cette conjoncture, ainsi que prétend l’auteur d’ailleurs judicieux de cette biographie, à faire de cette fuite un moyen de salut pour son peuple. On ne voit pas de si loin dans le malheur ; c’est bien assez d’espérer encore. V-R-D