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ALI

les bénédictins) de la province de Narbonne. Lorsqu’il arriva à Marseille en 1229, les habitants étaient divisés en deux partis, à l’occasion de droits seigneuriaux qu’ils avaient rachetés, et auxquels des moines prétendaient ; Alignan termina ces différends. Quelques années après, il voulut persuader à ces mêmes habitants de rétablir cette même seigneurie qu’ils avaient éteinte ; cette seule idée indigna les Marseillais, et les indisposa tellement contre leur évêque, qu’il se croisa et partit, en 1239, pour la terre sainte, avec Thibaut, roi de Navarre et comte de Champagne. Lorsque les croisés revinrent, Alignan resta en Syrie ; et, par ses éloquentes exhortations aux pèlerins, les décida à rétablir forteresse de Saphet, pour couvrir le pays jusqu’à St-Jean-d’Acre. Il en posa la première pierre, après avoir dit la messe au lieu même. Lorsqu’il vit le fort dans un parfait état de défense, il songea à revenir dans son diocèse : il y était en 1242. Il assista, en 1245, au concile de Lyon. La paix était rétablie entre ses diocésains et lui. Il s’occupa d’un traité de théologie qu’il avait commence en Syrie, et qu’il dédia au pape Alexandre IV : Tractatus fidei contra diversos errores supertitulum de summa Trinitate et fide catholica in decretalibus. Le manuscrit de la bibliothèque royale, outre ce traité, en contient l’Epitome, une Exposition de l’Oraison dominicale et de la Salutation angélique, et un opuscule sur les dimes. Baluze a publié, dans le tome 6 de ses Miscellanea, la préface de ce recueil et l’opuscule sur les dimes. On trouve, dans un autre manuscrit de la bibliothèque royale, une lettre d’Alignan au pape Innocent IV : de Rebus in terra sancta gestis, insérée au tome 7 du Spicilegium d’Achery. Alignan, occupé de la publication de ses ouvrages, et retenu d’ailleurs par la tenue du concile de Valence, ne put accompagner St. Louis, qui s’embarqua à Aigues-Mortes pour sa première croisade, en 1248. Ayant eu de nouvelles contestations avec les Marseillais en 1260, il paraît que cette circonstance le décida à retourner en Palestine. Ce voyage n’eut rien de remarquable, et ne dura que deux ans. En 1264, Alexandre IV chargea Alignan de prêcher une nouvelle croisade. Il ne restait aux croisés que le fort de Saphet, qui fut bientôt rendu, par la trahison et l’apostasie du commandant, nommé Léon. Alignan, après avoir prêché cette croisade qui préparait la seconde expédition de St. Louis, voulut expier ce que sa vie avait eu de trop mondain. Il crut devoir renchérir sur ses vœux monastiques, et, s’étant démis de son évêché en 1266, il entra chez les frères mineurs, dont la règle était plus austère que celle des bénédictins, et mourut en 1268. A. B-t.


ALIGRE (Étienne d’), chancelier de France, originaire de Chartres, était, en 1587, président au présidial de cette ville, et devint ensuite conseiller au grand conseil, et intendant de la maison de Charles de Bourbon, comte de Soissons, qui le nomma tuteur honoraire de son fils. La réputation qu’il devait à ses connaissances et à son intégrité l’avait fait désigner, par Henri IV, pour la présidence du parlement de Bretagne ; mais Louis XIII le fit entrer dans le conseil d’État. Le marquis de la Vieuville, qui protégeait Étienne d’Aligre, parvint à nuire, dans l’esprit du roi, au vieux chancelier de Sillery, à qui cependant il était redevable de sa fortune, et fit donner les sceaux à son protégé, en 1624 ; le vieux chancelier étant mort cette même année, d’Aligre, qui lui avait enlevé les sceaux, fut encore revêtu de la dignité de chef de la magistrature ; mais il suivit lui-même la fortune de la Vieuville, que Richelieu supplanta quelques mois après. D’Aligre, privé de son appui, ne resta guère chancelier de France que deux ans. Ce fut à l’occasion de l’emprisonnement du maréchal d’Ornano, gouverneur de Gaston, frère de Louis XIII, qu’il fut renvoyé et exilé. Le jeune prince, indigné de l’insulte faite à un homme qu’il aimait, ayant rencontré d’Aligre, lui demanda fièrement raison de l’emprisonnement de son gouverneur. « Je n’en sais rien, monsieur, dit le chancelier interdit ; je n’étais pas au conseil, et je n’ai pris aucune part à cette affaire. » Ayant fait la même question à Richelieu, ce ministre altier répondit au frère de son maître : « Monsieur, je vous répondrai autrement que M. le chancelier ; lui et moi nous avons conseillé au roi de faire arrêter M. le maréchal d’Ornano, parce qu’il le méritait. » Le cardinal affecta de blâmer hautement la faiblesse du chancelier, et en prit prétexte pour éloigner un homme qui n’était pas sa créature et ne voulait pas dépendre de lui. D’Aligre fut éloigné de la cour, et relégué dans sa terre de la Rivière-du-Perche, ou il finit ses jours, le 11 décembre 1635, âge de 76 ans. laissant la réputation d’un des plus honnêtes hommes de la robe ; mais l’application au travail, la probité et la douceur de caractère n’étaient pas les qualités nécessaires pour se maintenir à la cour on régnait Richelieu. ─ Étienne d’Aligre, son fils, successivement conseiller au grand conseil, intendant en Languedoc et en Normandie, ambassadeur à Venise, directeur des finances, doyen des conseillers d’État, garde des sceaux en 1672, et chancelier deux ans après, mourut estimé, le 25 octobre 1677, à 85 ans. S-y.


ALIGRE (Étienne-François d’), né en 172..., était d’une famille noble et ancienne, qui s’était distinguée dans le service militaire, et qui, depuis, embrassa la carrière de la magistrature, dans laquelle plusieurs de ses membres ont été revêtus des premières dignités. (Voy. l’article précédent.) Il était président à mortier en 1768, lorsque Laverdy le fit agréer au roi pour la place de premier président du parlement de Paris. On s’étonna de voir à la tête du premier corps de la magistrature un homme encore jeune et célibataire ; Louis XV lui-même en fit la réflexion. Cependant d’Aligre remplit cette place avec distinction ; il prononçait les arrêts d’une manière à la fois claire et précise. Dans le cours des deux années qui précédèrent la révolution, il fit, à la tête de son corps, plusieurs remontrances contre les impôts et contre les opérations du ministère, qui lui paraissaient saper les principes monarchiques qu’il défendit toujours avec courage. On cite de lui un trait de caractère remarquable. Au moment où le ministre Necker exerçait le plus d’influence sur le monarque et sur le peuple, et où il s’occupait de la