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à mort ! et c’était avec les traitres Lafayette et Narbonne, avec Rœderer, Dumouriez et le duc d’Orléans qu’ils avaient ainsi conspiré ! Ces députés furent pour la plupart arrêtés par les soins d’Amar, et presque tous périrent sur l’échafaud. On peut dire qu’il fut leur juge, leur geôlier et presque leur bourreau. Après avoir fait arrêter Duprat et Mainvielle, il alla lui-même, accompagné de quelques sbires, saisir les deux frères Rabaud dans une maison du faubourg Poissonnière ou ces malheureux se tenaient cachés, et il fit aussi arrêter ceux qui leur donnaient asile : presque tous périrent sur l’échafaud. Ce fut encore le farouche Amar[1] qui, à la suite d’un rapport aussi absurde et aussi cruel que celui qu’il avait fait contre la faction de la Gironde, fit décréter d’accusation et traduire au tribunal révolutionnaire ses collègues Bazire, Chabot, Delaunay, Fabre d’Églantine et Julien. Pour ceux-ci, l’accusation de royalisme était encore plus extravagante ; elle fut cependant articulée ; mais le principal motif qu’Amar énonça dans son rapport était fondé sur des opérations de finances et d’agiotage. Après les avoir fait emprisonner au Luxembourg, il ne permit pas même à leurs collègues les plus intimes d’aller les voir ; personne dans l’assemblée n’osa prendre leur défense, et des révolutionnaires fougueux, des hommes qui avaient le plus contribué à fonder la république, accusés par Amar, périrent sur l’échafaud sans la moindre opposition. On peut affirmer que la plupart des condamnations, des arrêts de mort alors prononcés, furent provoqués ou signés par le député de l’Isère. Hébert seul eut à cette époque le courage de l’attaquer au club des cordeliers ; et ce que l’on ne pourrait croire, si on ne le lisait dans le Moniteur et dans tous les journaux du temps, c’est qu’il l’accusa de protéger les aristocrates et les nobles ; d’avoir acheté pour 200,000 francs une charge qui l’anoblissait. Cette attaque n’eut point de résultats ; le parti des Cordeliers fut renversé peu de temps après, et l’imprudent Hébert porta sa tête sur l’échafaud. Amar, devenu président, put débiter à son aise en face de la convention nationale des maximes de philanthropie et d’humanité, en lui parlant de J.-J. Rousseau et de ses vertus… (Séance du 16 avril 1794.) Cependant son pouvoir allait bientôt cesser, et la fin du gouvernement de la terreur approchait. Pour croire à l’opposition de ce fougueux montagnard contre Robespierre, il faut bien-connaître tous les secrets mobiles de cette révolution du 9 thermidor ; il faut bien se rappeler que Robespierre depuis plus d’un mois s’était séparé des comités, et surtout du comité de sûreté générale ; qu’il voulait donner une autre direction à la révolution ; qu’il allait rejeter tous les torts de cette époque sur un petit nombre d’hommes tarés et couverts de crimes. (Voy. Robespierre.) Amar était un de ces hommes que le dictateur voulait perdre et que la peur seule réunit contre lui. (Voy. Tallien, Bourdon de l’Oise et Fouché.) Ainsi s’expliquent la ’résistance d’Amar dans la journée du 9 thermidor, et le courage qu’il eut de parler contre le fameux discours prononcé par Maximilien dans la séance du 8. C’était donc évidemment dans l’intérêt de sa sureté personnelle qu’il s’était ainsi pour un instant joint au parti thermidorien. Ce parti ne tarda pas à l’accuser lui-même ; et, dans la séance du 11 fructidor an 2, Lecointre de Versailles ayant dénoncé tous les membres des anciens comités de salut public et de sureté générale, Amar fut compris dans cette dénonciation. Lecointre désigne même son secrétaire Leymerie comme ayant servi d’espion ou mouton dans les prisons, et de faux témoin habituel devant le tribunal révolutionnaire. Amar fut encore dénoncé dans d’autres occasions, et chaque fois il s’excusa avec autant de lâcheté que d’hypocrisie ; mais signalé enfin comme-l’un des chefs de la révolte du 12 germinal an 3 (avril 1795) contre la convention nationale, il fut envoyé prisonnier au château de Ham, d’où l’amnistie du 4 brumaire suivant, prononcée en faveur des délits révolutionnaires, le fit bientôt sortir ; mais avant la fin de l’année il se trouva encore compromis dans la conspiration de Babeuf (voy. ce nom ), et le directoire le traduisit avec ce démagogue devant la hante cour de Vendôme. En présence de ce tribunal, Amar affecta d’abord, avec une incroyable hypocrisie, les formes les plus polies et les plus humbles ; mais changeant tout à coup de langage, il fit ouvertement l’apologie de sa conduite révolutionnaire. On l’entendit, dans la séance du 24 floréal (mai 1797), dire, sur le ton du plus effronté déclamateur, qu’il ne voyait rien de plus grand, de plus politique, que la journée du 31 mai ; que les massacres de septembre étaient justes ; que le gouvernement révolutionnaire et la loi des suspects avaient sauvé la patrie ; qu’un des plus beaux jours de la France était celui ou le tribunal révolutionnaire avait acquitte Marat, etc., etc. Enfin il se conduisit avec tant d’indécence et d’audace, que l’on fut un jour obligé de le reconduire dans sa prison. Le jugement qui condamna Babeuf renvoya Amar devant le tribunal de la Seine ; mais cette partie de l’arrêt ne fut point exécutée, et le député de l’Isère continua de vivre paisiblement dans la capitale. Ce fut en vain que Merlin de Thionville demanda que, par une espèce de mouvement de bascule, il fut déporté après le 18 fructidor. Amar vécut dans l’obscurité pendant toute la durée du gouvernement impérial, et il était encore dans la capitale à l’époque du retour des Bourbons en 1815. La loi d’exil contre les régicides ne put l’atteindre, parce qu’il n’avait point accepté d’emploi ni prêté de serment sous le gouvernement de Napoléon. Cet homme cruel, et qui avait fait périr tant de malheureux, mourut paisiblement dans son lit au milieu de Paris, en 1816, sous le règne du frère de Louis XVI. Il avait épousé par reconnaissance une ouvrière en linge chez laquelle il s’était tenu cache dans le temps des poursuites dirigées contre lui par le parti thermidorien. M-d j.


AMAR-SINGHA, savant indou, conseiller du célèbre rajah Vikramaditeya, et qui florissait conséquemment dans le 1er siècle avant J.-C. Il est auteur du dictionnaire sanscrit le plus exact et

  1. On lui avait donné ce surnom