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nommé Laura Battiferri, dont on a imprimé les poésies en 1560, sous le titre d’Opere Toscane ; il se livra lui-même à la littérature. Il a laissé un ouvrage considérable, intitulé la Citta (la ville), qui renferme les plans de divers édifices qui rendent une ville commode et magnifique : cet ouvrage important, et que l’on croyait perdu, existe dans la collection de dessins de la galerie de Florence, et mériterait d’être publié. Ses ouvrages de sculpture ont un caractère grand, mais un peu maniéré, et ses bronzes sont exécutés avec finesse. Il était instruit, fort pieux et charitable. À la mort de sa femme, il consacra la plus grande partie de ses richesses à des œuvres pies. Il mourut quelques temps après, à l’âge de 78 ans, et fut enterré dans l’église de Sto-Giovannino des jésuites, qu’il avait construite et embellie à ses frais. C-n.


AMMIEN (Marcellin), historien romain du 4e siècle, était Grec de naissance, comme on peut s’en convaincre par plusieurs passages de son histoire. Une lettre que lui écrivait le sophiste Libanius, et qui est parvenue jusqu’à nous, prouve qu’il était né à Antioche. Dans sa jeunesse, il embrassa la carrière militaire, et fut enrôlé parmi les protectores domestici, troupe dans laquelle on n’admettait que les jeunes gens des familles distinguées. en 350, il accompagna en Orient Arsificus, général de cavalerie sous l’empereur Constance, et suivit, quelque temps après, le même officier dans les Gaules. Quelque modeste que soit le compte qu’il a rendu de ces différentes expéditions, il paraît qu’il s’y conduisit avec distinction ; il accompagna aussi l’empereur Julien dans la guerre de Perse. Sous le règne de Valens, il résidait à Antioche, où il fut témoin des persécutions dirigées contre ses compatriotes, accusés de conspirer secrètement, par des pratiques et des cérémonies magiques, contre la vie et la majesté des empereurs romains. Ammien, qui déplore cette persécution dans son histoire, dit que les condamnés et les fugitifs formaient le plus grand nombre des habitants d’Antioche. Il quitta peu de temps après le métier des armes, et vint s’établir à Rome, où il écrivit l’histoire de l’empire, qu’il commença à l’époque où Tacite avait fini la sienne, et qu’il termina au règne de Valens. Libanius, dans la lettre dont nous avons parlé, nous apprend qu’Ammien Marcellin lut son histoire en public, et qu’il reçut les applaudissements des Romains, dont il n’épargnait pas les mœurs déréglées. Il parait, par plusieurs circonstances de son histoire, qu’il vécut jusqu’en 390. Dans plusieurs passages, il loue la constance de quelques évêques et de plusieurs martyrs ; il est d’accord avec St. Ambroise et St. Chysostome, dans la manière dont il raconte la vaine tentative de Julien pour rebâtir le temple de Salomon, à Jérusalem ; quelques biographes en ont conclu qu’il était chrétien, ce qui nous semble peu vraisembable. Il se moque, il est vrai, de la superstition de la plupart des Romains de son temps : Un grand nombre d’entre eux, dit-il, n’oseraient ni prendre le bain, ni diner, ni paraître en public, avant d’avoir consulté, selon les règles de l’astrologie, la position de Mercure et l’aspect de la lune. Il est assez plaisant, ajoute-t-il, de découvrir cette crédulité chez un sceptique impie, qui ose nier ou révoquer en doute l’existence d’un Dieu tout-puissant. » Cette phrase, qui nous montre que le siècle d’Ammien a quelque ressemblance avec le nôtre, ne prouve autre chose, si ce n’est que cet historien ne partageait point les idées superstitieuses de la plupart de ses contemporains. Dans le cours de son histoire, s’il parle du christianisme avec modération, il parle toujours du paganisme avec respect ; le tableau qu’il faut des premiers temps de la république et les louanges qu’il donne à Julien nous montrent assez qu’il regrattait les mœurs de l’ancienne Rome, et qu’il tenait au culte des premiers Romains. Au reste, ces doutes élevés sur ses opinions attestent son impartialité et l’esprit de sagesse avec lequel il a raconté des événements dont plusieurs se sont passés sous ses yeux. Gibbon le caractérise très-bien, en disant qu’il est un guide habile et fidèle, qui composa l’histoire de son temps sans se livrer aux préjugés ou aux passions qui affectent ordinairement un contemporain. De Ste-Croix ne le juge pas favorablement : Ammien, dit-il est presque toujours véridique et impartial. Quoique son style soit un peu barbare, il est en général plein d’énergie ; sa manière ressemble quelque fois à celle de Polybe ; comme lui, il aime la vérité, et entend l’art de la guerre ; enfin il a des morceaux dignes de Tacite ; celui de l’état de Rome au milieu du 4e siècle est de ce nombre et mérite d’être cité. C’est le dernier des écrivains latins qui aient écrit l’histoire avec une certaine étendue, et avec tous les détails nécessaires. Un savant moderne rend justice au mérite d’Ammien Marcellin comme historien, mais il l’accuse d’avoir commis de nombreuses erreurs en géographie : ce reproche est très-grave, et le nom du critique (J.-B. d’Anville) est d’un très-grand poids ; on doit croire cependant que les erreurs qu’on reproche à Ammien ne se rencontrent pas dans le récit des expéditions où il s’est trouvé. L’histoire d¦{Ammien Marcellin était divisé en 31 livres, et, selon d’autres, en 32. Les 13 premiers sont perdus ; 11 livres seulement firent publiés à Rome, par Sabinus, en 1474 ; à Bologne, par Castellus, en 1517, et à Bâle, par Fiobénus, en 1518, Accorso en donna, à Augsbourg, 1533, une nouvelle édition, dans laquelle il se vante d’avoir corrigé plus de 5000 fautes. On y trouve les 5 derniers livres, qui jusque-là n’avaient point été imprimés. La même année, Gélénius publia, à Bâle, une édition avec les mêmes additions, excepté le dernier livre et la dernière page de l’avant-dernier. Depuis cette époque, l’ouvrage d’Ammien Marcellin a eu plusieurs éditions, qui ont été effacées par celle de Valois, Paris, 1681. Cette édition contient, outre les notes de Lindenbrog, tirées de son édition de 1619, plusieurs notes nouvelles de l’éditeur, et une vie de l’historien, en latin, par Chifflet, professeur de droit à Dôle. Gronovius réimprima, en 1693, cette édition à Leyde, in-4o et in-fol., et y ajouta quelques notes. Elle aussi a été réimprimé par les soins de M. Wagner, Leipsick, 1809, 3 vol. in-8o. Ammien Marcellin n’a pas échappé à la plume,