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ANC

ANCINA (Juvénal), d’abord professeur de médecine à l’université de Turin, ensuite évêque de Saluces, naquit à Fossano en 1545. Il n’avait que quinze ans lorsque ses parents l’envoyèrent à Montpellier pour y achever son éducation. Mais Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, ayant créé l’université de Mondovi, rappela tous ceux de ses sujets qui étudiaient en France. Ancina revint dans sa patrie et suivit avec succès les cours de philosophie et de mathématiques. L’extrême facilité qu’il tenait de la nature lui aplanit la voie de toutes les sciences. Il parvint à acquérir cette polymathie prodigieuse qu’il n’était pas rare de rencontrer dans le 16e siècle, et qui offrait souvent dans un seul homme la réunion des connaissances qui paraissent avoir le moins de connexité. La culture des sciences exactes ne mit aucun obstacle au penchant qui l’entraînait vers la poésie. Dès l’âge de vingt ans, il publia un ouvrage en vers héroïques intitulé : de Academia subalpina, libri duo, Montréal, Léon. Torrentinus, 1565, in-8o, dédié au duc Emmanuel-Philibert de Savoie. Il alla ensuite à Padoue pour perfectionner ses études en médecine. Il composa dans cette ville un poëme intitulé : Naumadria christianorum principum. Il y engageait tous les princes chrétiens à prendre les armes contre les Turcs, et promettait à leurs armes une réussite complète. Le duc de Savoie, ayant transféré à Turin l’université de Mondovi, fit appeler Ancina à l’une des chaires nouvellement établies. Cet habile docteur suivit à Rome, en qualité de médecin, Frédéric Madruce, ambassadeur du duc de Savoie prés du souverain pontife. Là il sentit renaître une vocation qu’il n’avait abandonnée qu’à regret. Philippe de Néri venait de fonder la congrégation de l’oratoire ; Ancina se mit sous la direction de ce saint personnage ; et, après de nouvelles études en théologie, il reçut le sacerdoce. Charles-Emmanuel Ier demanda pour lui à Clément VIII l’évêché de Saluces. Ancina avait fait paraitre dans sa jeunesse un ouvrage sur la pénitence de Ste. Marie-Madeleine, et un poëme à la louange du pape Pie V. L’auteur de ces écrits obtint à la cour de Rome une faveur qui aurait pu être refusée au médecin ; car on n’y avait pas eu à s’applaudir d’avoir élevé à l’épiscopat le sybarite Paul Jove, qui avait d’abord commencé par être médecin. Ancina chercha à se dérober aux honneurs qui lui étaient réservés. Il adressa au souverain pontife une Cantica en cent strophes, où il se montrait pénétré de la grandeur et des difficultés de la sainte mission d’évêque, et, la mesurant à son insuffisance, il priait le père des fidèles de renoncer aux vues qu’il avait sur lui. Ce vœu d’humilité ne fut point écouté. Devenu évêque malgré lui, il se montra, par la sainteté de sa vie et ses immenses largesses envers les pauvres, le vrai disciple de Jésus-Christ. Il n’était en possession de l’évêché de Saluces que depuis deux ans, lorsque la mort l’enleva, le 31 aoüt 1604. Sa vie a été écrite par un grand nombre d’historien, entre autres Fr. Agost. della Chiasa, l’un de ses successeurs à l’évêché de Saluces (Turin, 1629) ; le P. Lombardo (Naples, 1656), qui publia en même temps la Cantica dont il vient d’être parlé ; le P. Bacci (Rome, 1671) ; le P ; Ricci, dominicain (Brescia, 1706), et le P. Jos. Marciani, dans ses Mémoires historiques sur la congrégation de l’Oratoire (t. 1er). Les autres ouvrages d’Ancina sont : 1° Odæ quatuor seren. Sabaudiæ principibus, et Carole Emmanueli eorum patri Odæ tres, Montréal, 1565, in-8o ; 2° Tempio Armonico, Rome, 1599, in-4o : c’est un recueil de poésies spirituelles ; 3° Decades divinarum contemplationum, cité par le P. Lombarbo. L-m-x.


ANCKARSTROËM (Jean-Jacques), gentilhomme suédois, enseigne des gardes de Gustave III. montra de bonne heure des passions ardentes et un caractère sombre. Gustave ayant renversé successivement, en 1772 et en 1789, le pouvoir du sénat et des grands, pour gouverner dans toute la plénitude de la puissance royale, Anckarstroëm partagea le mécontentement d’une grande partie de la noblesse, et manifesta, dans plusieurs circonstances, son opposition aux vues du monarque. Il joignit, à l’aversion qu’il éprouvait déjà pour Gustave, un ressentiment particulier, à l’occasion de la perte d’un procès où intervint le roi ; mais il est faux, comme l’ont avancé quelques biographes, qu’il eût été condamné à mort pour avoir cherché à livrer la Finlande aux Russes, et que Gustave lui eût fait grâce. Il se lia étroitement avec les nobles les plus acharnés contre la cour, et fut admis dans des conférences secrètes où il s’agissait de rétablir le sénat et de se défaire de Gustave, dont la mort fut résolue. Anckarstroëm demanda à porter lui-même le coup ; mais les jeunes comtes de Ribbing et de Horn lui disputèrent cette horrible mission, et il fallut s’en remettre au sort, qui décida pour Anckarstroêm. Il fit, avec ses complices, quelques tentatives, vers la fin de 1791, pour assassiner Gustave à Stockholm ; mais, ce prince ayant convoqué tout à coup la diète à Gefle pour le 23 janvier 1792, ce voyage inattendu : dérangea le projet des conjurés. Cependant la plupart se réunirent à Gefle, sans qu’aucune occasion favorisât leur complot. Les décisions de cette diète irritèrent encore davantage la noblesse suédoise, et les conjurés, transportés de rage, revinrent à Stockholm, et résolurent d’attaquer Gustave dans un bal masqué, la nuit du 15 mars. Avant de porter le coup fatal, Anckarstroëm témoigne à ses deux complices la crainte de se tromper et de manquer le roi dans une si grande foule. « Tu frapperas, lui-dit le comte de Horn, celui à qui je dirai : Bonjour, beau masque » Ce fut, en effet, sur cette indication qu’Anckarstroëm tira sur Gustave un coup de pistolet chargé de deux balles et de plusieurs clous, au moment même où ce prince parcourait la salle, appuyé sur le comte d’Essen. Gustave, blessé a mort, tomba dans les bras de son favori (voy. Gustave III), et Anckarstroëm se confondit dans la foule après avoir laissé tomber ses pistolets et son poignard. Lorsque la foule fut sortie de la salle, on vit à terre les armes d’Anckarstroëm. Tous les armuriers de Stockholm furent interrogés ; et l’un d’eux, à la vue des pistolets, déclara qu’il les avait