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ANC

vendus à Anckarstaêm. On alla aussitôt l’arrêter chez lui, où il s’était retiré, et une commission fut nommée pour le juger. Il avait d’abord pris résolution de se brûler la cervelle dès qu’il aurait frappé la roi ; mais, soit qu’il comptât sur l’impunité, soit qu’il manquât de courage, il n’attenta point à ses jours. Il refusa constamment de nommer ses complices, avouant néanmoins son crime, dont il parut se glorifier. Le procès fut suivi avec lenteur ; enfin, le 29 avril 1792, Anckarstroëm fut condamné à être décapité, après avoir été battu de verges pendant trois jours. Trainé au supplice dans une charrette, il jeta des regards tranquilles sur les spectateurs. Son courage parut néanmoins l’abandonner au moment de perdre la vie, et il réclama quelques minutes pour demander pardon à Dieu. Ce régicide n’avait que 23 ans ; il fut le seul des conjurés que l’on condamnât à mort. Les comtes de Horn, de Ribbing, et le colonel Lilienhorn, furent bannis à perpétuité. B-p.


ANCONE (le cardinal d’). Voyez Accolti.


ANCOURT. Voyez Dancourt.


ANCRE (Concini Concino, maréchal d’), fils d’un notaire de Florence, dut son élévation à sa femme, Léonore Galigaï, fille de la nourrice de Marie de Médicis. Venu en France en 1600 avec cette princesse, Concini, d’abord simple gentilhomme de la reine, s’éleva, par le crédit de sa femme, à la plus haute faveur. Ce ne fut pourtant qu’après la mort de Henri IV qu’il put donner l’essor à son ambition. Devenu nécessaire à la reine, pendant les troubles d’une faible minorité, Concini bouleversa tout dans le conseil. « Il acheta le marquisat d’Ancre, fut créé successivement premier gentilhomme de la chambre, gouverneur de Normandie, et enfin, dit Voltaire, premier ministre, sans connaître les lois du royaume, et maréchal de France, sans avoir jamais tire l’épée. » Tant de faveurs répandues sur un étranger alarmèrent les principaux seigneurs du royaume, et serviront de prétexte à leur rébellion. Cantonnés dans les provinces, ils déclarèrent la guerre au premier ministre ; mais Concini, devenu le maréchal d’Ancre, assuré de la faveur de la reine, les bravait tous. Pour venger l’autorité royale, ou plutôt pour conserver la sienne, il leva 7,000 hommes à ses frais, ce qui souleva contre lui toute la France, indignée qu’un etranger, venu sans aucun bien, eut de, quoi assembler une armée aussi forte que celles avec lesquelles Henri IV avait reconquis son royaume ; Concini, peu satisfait de laisser à Louis XIII que le vain titre de roi, et ne gardant aucune mesure avec ce prince, s’assura de sa personne, lui défendit de sortir de Paris, et réduisit les distractions qu’il voulait bien lui laisser, à la chasse, et à la seule promenade aux Tuileries. Jouant du jour au billard avec le roi, il mit son chapeau sur sa tête, et lui dit : « Sire, Votre Majesté me permettra bien de me couvrir. » Tant d’insolence excita la haine de Louis XIII. Le maréchal ne l’ignorait point, et disait souvent qu’elle causerait sa perte ; mais il ne se doutait guère que les intrigues d’un jeune homme, étranger comme lui, devait l’amener, Charles Albert de Luynes, qui tenait sa forteresse de maréchal, et que sa jeunesse mettait à l’abri du soupçon parvint à décider Louis XIII à secouer le joug, et le premier acte d’autorité d’un prince de seize ans et demi, auquel on avait donné le surnom de Juste, fut d’ordonner l’assassinat de son premier ministre. Mais l’exécution de ce projet n’était pas facile ; Luynes surveillé de très-près, n’osait risquer une démarche qui pouvait le perdre, si elle ne réussissait pas. M. de Maulus, frère de Luynes, et l’Hôpital-Vitry, capitaine des gardes, arrêtèrent ; en présence du roi, qu’on attaquerait le maréchal dans la cour du Louvre. au moment où il sortirait de chez la reine mère. Cette première tentative échoua par un malentendu ; mais, le 24 avril 1617, les mesures furent mieux prises ; le roi, sous prétexte d’aller à la chasse, avait fait monter à cheval son régiment des gardes, le seul dont il pût disposer pour soutenir l’entreprise. Vitry se rendit au Louvre avec quelques gentilshommes qui portaient des pistolets sous leurs manteaux, et se plaça sur le pont-levis. Le maréchal d’Ancre y arriva, suivi d’un cartége assez nombreux ; les conjurés laissèrent passer le cortège ; alors Vitry, suivi de ses gens, s’approcha du maréchal, et lui dit, en lui portant la maïil sur le bras droit : « Le roi m’a commandé de me saisir de votre personne. » Le maréchal, étonné, dit en italien : À moi ! mais Vitry, du Hallier, Perray, lâchent en même temps leurs pistolets, et le maréchal tombe mort à leurs pieds ; Vitry cria aussitôt : « Vive le roi ! » Les portes du Louvre furent fermées, et la garde resta rangée en bataille. Quand on apprit au roi la mort de son premier ministre, il se montra aux fenêtres du palais, et cria aux conjurés : « Grand merci à vous ; à cette heure, je suis roi. » Quelques historiens ont prétendu que Louis XIII avait seulement voulu faire arrêter le maréchal d’Ancre, et qu’il ne fut tué que par accident ; mais ce qui lève tous les doutes à cet égard, c’est que le roi se vanta de la mort du maréchal en présence de toute la cour, et que Vitry, lorsqu’il présenta au parlement ses provisions de maréchal de France, présenta en même temps des lettres patentes portant aveu du meurtre commis sur la personne du maréchal d’Ancre, par commandement exprès de Sa Majesté. On trouva dans les poches de Concini, au moment de sa mort pour près de 2 millions de billets de l’épargne et de rescriptions, et 2 millions 20,000 livres livres dans sa maison ; ce qui ferait croire qu’il s’attendait à quelque malheur, et qu’il se préparait à la fuite. Son corps fut enveloppé dans un drap, et, vers minuit, on alla l’enterrer à St-Germain-l’Auxerrois. Le lendemain, le peuple se porta à l’église, et, malgré la résistance du clergé, le corps fut exhumé, trainé jusqu’au Pont-Neuf, et pendu à une potence que le maréchal avait fait élever pour ceux qui parleraient mal de lui ; ensuite on le démembra, on le coupa en mille pièces, et l’on vendit ses restes sanglants, que la populace furieuse s’empressait d’acheter. Le parlement de Paris procéda contre sa mémoire, condamna sa femme à être brûlée (voy. l’article, suivant), et déclara leur