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rame fut tué, et les vaincus se retirèrent en désordre. Au milieu de la confusion de la nuit, les diverses tribus musulmanes de l’Orient, de la Mecque et de l’Espagne, tournèrent leurs armes les uns contre les autres ; et chaque émir, ne songeant qu’a sa sûreté, fit avec précipitation sa retraite particulière. 80,000 Sarrasins se retirèrent, pendant la nuit, sans être poursuivis par les vainqueurs, qui, le lendemain, pillèrent le camp d’Abdérame, ou ils trouvèrent les tentes toutes dressées et des richesses immenses, dépouillés des provinces que les Arabes avaient ravagées. La nouvelle de cette grande victoire fut bientôt répandue dans le monde chrétien. Les moines des Gaules et de l’Italie assurent, dans leurs chroniques, que Charles écrasa près de 400,000 musulmans avec son marteau (c’est de là que le surnom de Martel fut donné à ce prince), et que les chrétiens ne perdirent que 1500 hommes. Mais l’inaction du vainqueur après la victoire prouve assez que sa perte fut plus considérable. On s’étonne, avec raison, que les anciens historiens n’aient pas donné des détails plus complets et plus authentiques de cette journée mémorable, qui sauva la France, et sans doute l’Europe, du joug des musulmans ; Les débris de l’armée d’Abdérame se réfugièrent à Narbonne, et les musulmans ne songèrent plus à la conquête des Gaules. B-p.


ABDERAME (Abdoul-Rahamn-Ben-Moa’wyah, dit Abou-Mothref-el-Safar), premier calife ommiade d’Espagne, né à Damas, l’an 113 de l’hégire (731 de J.-C.), n’avait que dix-huit ans lorsqu’il échappa au massacre des princes de sa famille, qui régnait à Damas. Poursuivi par des soldats chargés de le tuer, il se réfugia dans une forêt, sur les bords de l’Euphrate, ou il vit égorger son frère et son fils. Après avoir erré longtemps, il passa en Afrique, y courut de nouveaux dangers, et ne trouva d’asile contre la fureur des Abbassides qu’à Bargah, dans la puissante tribu de Zenata. Ce fut de la qu’il envoya en Espagne l’Arabe Bedr pour sonder les esprits. Ce pays était alors en proie aux divisions des conquérants qui y avaient passé d’Afrique, de Syrie, et même du Khoraçan. Accoutumés à la puissance des Ommiades, et fidèles à ces princes malheureux, ils reçurent avec joie l’émissaire de l’illustre fugitif, qu’ils s’engagèrent a reconnaître pour leur chef des qu’il viendrait combattre à leur tête. Abdérame débarqua à Almoncar au mois d’août 755, avec quelques ami attachés à sa fortune, et réunit bientôt un grand nombre de partisans, qui le proclamèrent émir d’Occident le 15 mars 756, à Archidona. Séville lui ouvrit ses portes ; le 20 mai suivant, il passa le Guadalquivir, et remporta une victoire complète sur Jousouf-el-Fahry, vice-roi pour les Abbassides, qui prit la fuite et laissa toute l’Espagne au pouvoir du vainqueur. Sous Abdérame, cette contrée devint florissante, de faible et misérable qu’elle était sous des vice-rois amovibles. Le nouvel émir d’Occident forma d’abord le projet de détrôner les Abbassides, qui avaient usurpé le califat ; il en fut détourné par les troubles que ceux-ci lui suscitèrent en Espagne. Après quelques tentatives malheureuses pour enlever la Galice et les Asturies aux chrétiens, Abdérame renonça aux conquêtes, et favorisa le commerce et les arts. Mais il ne fut par longtemps en paix : de nouvelles révoltes, excitées par les Abbassides, des guerres renaissantes avec les rois de Léon, l’irruption des français dans la Catalogne, l’occupèrent sans cesse : il triompha, par sa valeur et son activité, de tant d’ennemis ; et, soutenant le sceptre avec gloire, il mérita le surnom de Juste. Au milieu de troubles et des périls, Abdérame cultiva et protégea les arts et les lettres, fortifia et embellit Cordoue, éleva un palais magnifique, et commença cette belle mosquée qui fait encore aujourd’hui l’admiration des voyageurs. Ce prince mourut l’an 787 de J.-C., âgé de 50 années lunaires, après en avoir régné 33. De tous les monarques de son temps, Charlemagne seul l’effaça par la gloire des armes, mais ne put lui disputer d’avoir été le plus éclairé et le plus généreux des princes de son siècle. Les chrétiens eux-mêmes eurent à se louer de sa modération. Il a laissé des poésies très-estimé des Arabes. Son autorité, qu’il avait établi sur des fondements solides, passa sans obstacles à son fils Hakem. B-p.


ABDERAME II (Abdoul-Rahamn-Ben-Haken), surnommé el-Mouzzaffer, c’est-à-dire le Victorieux, 4e calife d’Espagne, fils d’Al-Hakem, auquel il succéda l’an 822 de J.-C., 206 de l’hégire, à l’âge de 30 ans. La fortune le seconda dès son avènement au trône, et le délivra d’Abdoullah, son grand-oncle, qui, ayant pris les armes pour lui ravir le sceptre, fut poursuivi et forcé de s’enfermer dans la ville de Valance, où il mourut de chagrin. L’année suivant, Abdérame s’empara de Barcelone et en chassa les Français. Fidèle au plan de ses prédécesseurs, il songeait à poursuivre cette guerre, lorsque la révolte des villes de Mérida et de Tolède le força de différer son entreprise. Il lui fallut rétablir le calme dans son royaume, et chasser les pirates normands qui avaient pillé les villes de Lisbonne, Medina-Sidonia, Cadix et Séville. Reprenant ensuite ses projets contre les chrétiens, Abdérame envoya successivement contre Ramire, roi de Léon et des Asturies, deux armées qui furent repoussées. Après une longue alternative de succès et de revers, ce prince renonça aux conquêtes pour faire fleurir les arts au sein de la paix. Cordoue fut pavé, orné de beaux édifices ; plusieurs forteresses et une flottille garantirent sa sûreté. La cour d’Abdérame devint la plus brillante de l’Europe ; il y attira les poëtes et les philosophes de l’Orient, et en fit le séjour des arts, des sciences et des plaisirs. Cependant ce prince, dont le mœurs étaient si douces, fut, dit-on, intolérant. Il permit aux musulmans, par un édit, de tuer sur-le-champ tout chrétien qui parlerait mal du Coran et de Mahomet. Son règne fut l’époque où les chrétiens commencèrent à balancer la puissance des musulmans. Ramire le vainquit ; l’Aragon eut ses souverains particulier ; la Navarre devint un royaume ; tout le nord de l’Espagne enfin se déclara contre le calife de Cordoue. Il mourut dans sa capitale, d’une attaque d’apoplexie, l’an 852 de J.-C., âgé de 62 ans ; il en avait régné 31. Il a composé, en Arabe, des Anales de l’Espagne. Il eut, de ses différentes