Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
ABD

Ghayatah furent les premières soumises. Il attaqua ensuite l’empire de Maroc, s’empara de Telemsen et d’Oran (1145), prit Fez après un long siége, nourrit la guerre par la guerre, augmenta rapidement son armée, équipa une flotte, et, profitant des troubles qui agitaient le midi de l’Espagne, y fit passer des troupes, qui lui soumirent les villes de Xerès, Malaga, Cordoue et Séville. Presque en même temps, il prit Tanger en personne ; et ayant fait ensuite la conquête de Maroc (1117), après dix ans d’une guerre opiniâtre, il mit fin à la dynastie des Almoravides (Al-Morabeton), en faisant décapiter, en sa présence, le malheureux Ysakam, fils de Tachefyn, dernier prince de cette dynastie. Tout plia dès lors sous la puissance d’Abdel-Moumen. Il s’empara de Bugie et de Cayrouan, défit et dissipa les Arabes qui s’étaient ligués contre lui, marcha contre Tunis, s’en rendit maître après avoir battu la flotte des chrétiens, et donna des lois à toute l’Afrique occidentale. En 1100, il aborda lui-même en Espagne, et forma le projet d’en chasser les chrétiens. Plein de cette grande idée, il revint en Afrique et rassembla ses forces de terre et de mer : 100,000 fantassins et plus de 100,000 hommes de cavalerie allaient être conduits en Espagne sur des milliers de bâtiments de transport, lorsque la mort inopinée du conquérant, arrivée à Sale, l’an 558 de l’hégire (1162 de J.-C.), sauva peut-être la péninsule entière du joug africain. Abdel-Moumen, appelé Abd-Ulmenon par les historiens espagnols, mourut à l’âge de 6 ans, après avoir règne 33 années lunaires. Fondateur d’une dynastie, il assura l’empire à son fils Abi-Gakoub, qui, n’ayant point hérite de son génie, abandonna ses vastes projets. Abdel-Moumen unit la prudence et le courage à une activité infatigable ; mais ce fut surtout à son adroite politique et à sa douceur envers les peuples qu’il dut tant d’admirateurs et de soldats fidèles. Les détails qui concernent ce conquérant ont été défigurés da la plupart des compilations historiques. B-p.


A’BDEL-REZZAK, fondateur de la dynastie des Sarbédariens, était né à Batchyn, bourg dépendant de Sebzwar, où son père tenait le premier rang par ses richesses. Il s’attacha, dès sa jeunesse, au sultan Abou-Sal’d-Kan, qui lui donna une place dans ses yéçaoul ou huissiers, et ensuite l’envoya dans le Kirman pour en percevoir les impôts, dont il dissipa le produit. Tandis qu’il cherchait les moyens de couvrir ses dilapidations, la mort d’Abou-Saï’d vint le délivrer de son inquiétude. Il se rendit secrètement à Batchyn, où l’un des vizirs d’Abou-Saï’d s’était attiré la haine publique par une administration tyrannique. A’bdel-Rezzak profita de l’irritatio, des esprits pour les porter à la révolte, et vizir est sacrifié. Le rebelle sort ensuite de Batchyn accompagné de ses parents, et attache à une potence des toquets et des bonnets, que tous ses partisans attaquent à coups de pierres. C’est de là que cette dynastie a pris son nom, Sabédar siginifiant tête sur unes potence. Sept cents personnes lui prêtèrent serment de fidélité. Cependant le vizir A’la-Eddyn Mohammed envoya une armée contre lui ; mais elle fut mise en fuite, et A’la-Eddyn, poursuivi, tomba entre les mains du vainqueur, qui le fit mourir en 757 de l’hégire (1556-7 de J.-C.). Après cette victoire, A’bdel-Rezzak s’empara de Sebzwar et du souverain pouvoir. Mais ayant ensuite excité beaucoup de mécontentement par sa fierté et sa brutalité, et ayant été jusqu’à lever la main sur son frère Maçoud, celui-ci tira son épée, et A’bdel-Rezzak, effrayé, se tua en sautant par une fenêtre. Maçoud lui succéda, et affermit par ses conquêtes la nouvelle dynastie. J-n.


ABDÉRAME (Abdoul-Rahman-Ben-Abdoullah-el-Grafiki), gouverneur ou vice-roi d’Esapgne, sous le calife Yésid, avait porté les armes dès sa plus tendre jeunesse. Ambitieux, jaloux de son autorité, cruel surtout envers les chrétiens, dont il était l’ennemi implacable, Abdérame projetait de faire une irruption en France, lorsqu’il fut rappelé à Damas, en 722, cinq mois après son arrivée en Espagne. Ce dernier gouvernement lui fut donné, pour la seconde fois, neuf ans après. À peine fut-il maître des forces musulmanes de la péninsule, qu’il reprit son projet favori d’envahir la France, dont la conquête lui paraissait facile, quoique Zama, lieutenant du calife, après y avoir pénétré avec de grandes forces, eût perdu la vie et presque toute son armée sous les murs de Toulouse. Avant de passer les Pyrénées, Abdérame voulut étouffer la révolte de Munuza, gouverneur de la Catalogne, son ennemi personnel, qui s’était allié à Eudes, due d’Aquitaine, dont il avait épousé la fille. Munuza, vaincu, se donna la mort, et sa femme, captive, fut conduite à Abdérame qui, frappé de sa beauté, l’envoya en présent au calife Heccham. Après avoir triomphé de Munuza il traversa la Navarre, entra dans l’Aquitaine avec une armée formidable, assiégea et prit Bordeaux, passa la Garonne et la Dordogne sans opposition, et rencontra les troupes d’Eudes, duc d’Aquitaine, et de Charles-Martel. Abdérame les tailla en pièces, et cette défaite fut si fatale aux chrétiens, que, de leur aveu, Dieu seul put compter le nombre des morts. Abdérame envahit l’Aquitaine, le Périgord, la Saintonge et le Poitou, et poussa des détachements jusqu’en Bourgogne. La tradition a conservé longtemps le souvenir de cette invasion, dont les circonstances sont dénaturées d’une manière si bizarre dans les romans de chevalerie. Les soldats d’Abdérame portèrent le fer et le feu partout ou ils passèrent, et surtout dans les monastères et les églises. Ils étaient déjà maîtres de la moitié de la France, et Abdérame s’avançait triomphant vers la Loire, lorsque parut, entre Tours et Poitiers, Charles-Martel, a la tête des forces de trois royaumes. Une chaîne de collines avait couvert sa marche, tellement bien calculée, qu’Abdérame fut saisi d’étonnement en voyant l’armée française. C’était au mois d’octobre 752. Les six premiers jours se passèrent en escarmouches. Enfin, le septième, on en vint à une action générale ; les Sarrasins ayant attaqué avec peu de précaution, furent écrasés par l’impétuosité des soldats de Charles-Martel. On combattit cependant jusqu’aux derniers rayons du jour. Abdé-