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par les plus vils moyens, proclama, au mois de septembre 1183, Andronic collègue d’Alexis. Le lendemain, les deux empereurs se rendirent à Ste-Sophie ; Andronic scella par un sacrilège les fausses protestations qu’il adressa à sa victime, et, quelques jours après, il fit assassiner ce malheureux prince, dont il insulta le cadavre. « Ton père, dit-il en le poussant du pied, fut un traitre ; ta mère, une infâme ; et toi, un sot. » Alexis avait été fiancé à Agnès de France, qui n’avait que onze ans. Andronic, sans renoncer à son commerce avec Théodora, épousa la jeune impératrice ; et, la fille des rois passa dans les bras d’un vieillard dissolu, l’assassin de son premier époux. Au milieu de tous ses crimes, Andronic invoquait sans cesse l’autorité de la religion, alors si puissante sur l’esprit des peuples ; il voulut même se faire absoudre du meurtre d’Alexis, et quelques évêques furent assez vils pour prononcer un pardon que le ciel ne ratifia point. Quelques moments de tranquillité, ou, pour mieux dire, de fêtes et de débauches, laissèrent respirer les Grecs effrayés, qui nommèrent ce court intervalle les jours de l’alcyon. Cependant Lopade, Pruse et Nicée n’avaient pas reconnu l’autorité du tyran ; il les assiège, et les deux dernières villes sont livrées à des horreurs que la plume de l’histoire ose à peine retracer. Un historien rapporte que les arbres des vergers qui environnaient Pruse portaient suspendus autant de cadavres que de fruits. Andronic, de retour à Constantinople, redoubla de rage et de férocité ; les instruments de ses fureurs en furent eux-mêmes les victimes. La révolte d’Isaac Comnéne, dans l’île de Chypre, devint le prétexte des plus affreuses proscriptions. Cependant le tyran se voyait menacer de tous côtés, ses généraux avaient été battus par le roi de Sicile, excité par un Comnène ; Andronic, au lieu de réparer leur défaite, s’agite, consulte les devins ; ils font naître des soupçons qui tombent sur Isaac l’Ange, dont toute la famille avait péri par les coups du tyran. La mort d’Isaac estordonnée ; Hagiochristophorite, l’instrument des fureurs d’Andronic, veut exécuter l’arrêt ; Isaac le tue, et se sauve dans une église ; le peuple, qui l’aimait, s’y portera foule ; on maudit Andronic, qui s’effraye de la sédition ; il veut fuir, on l’atteint ; Isaac est proclamé empereur, le palais est livré au pillage. Andronic, chargé de chaîne fut remis dans les mains de la populace, qui, pendant trois jours, exerça sur lui de telles barbaries, que le récit de son supplice excite la pitié, malgré le souvenir de ses crimes : le ciel sembla prolonger son existence pour prolonger ses tourments ; les femmes même, par un raffinement de cruauté, lui firent subir le tortures les plus infâmes, Privé des dents, des cheveux, d’un œil, d’une main, honteusement mutilé, brûlé, lacéré dans toutes les parties de son corps, il ne proféra aucune plainte, et sembla reconnaître la souveraine justice qui le frappait, et dont il invoquait la miséricorde. Pendu par les pieds, dans cet horrible état il respirait encore, lorsqu’un Italien, lui plongeant son épée dans le corps, mit fin à cette affreuse tragédie, le 12 septembre 1183. Andronic avait alors 75 ans ; il en avait régné 2 ; il était d’une taille colossale, d’une force prodigieuse, mais d’une figure dure et repoussante. Il avait l’esprit cultive, et une éloquence persuasive. Quelques historiens ont loué sa fermeté dans l’administration. « Andronic, dit Montesquieu, était le Néron des Grecs ; mais comme, parmi tous ses vices, il avait une fermeté admirable pour empêcher les injustices et les vexations des grands, on a remarqué que, pendant son règne, quelques provinces se rétablirent. » Gibbon a fait la même observations sur le gouvernement de ce prince ; mais quelques traits de justice et de prudence ne peuvent balancer les crimes et les vices infâmes dont son histoire est souillée. Il fut le dernier empereur de la famille des Comnène. L-S-e.


ANDRONIC II (Paléologue), empereur de Constantinople, né vers l’an 1258, était fils de Michell Paléologue, et de Théodore, petite-nièce de Jean Ducas Vatace, empereur de Nicée. Après la mort de Michel, en 1282, Andronic, âgé de 24 ans, fut reconnu seul empereur. Il avait déjà régné deux ans, conjointement avec son père ; mais soulagé du fardeau de l’empire par un prince qui a de grands vices joignait aussi de grands qualités, il avait à peine senti le poids du gouvernement. Son premier soin fut de révoquer toutes les mesures adoptées par Michel pour la réunion des Églises grecque et latine, et d’assembler un concile de schismatiques, auquel il demanda humblement pardon d’avoir coopéré à la paix avec les Latins. Ainsi, lorsque, d’un côte, une croisade formidable, dirigée par le pape Martin IV, et commandée par Charles d’Anjou, roi de Naples, menaçait Constantinople, et que, de l’autre, les progrès des Turcs devenaient tous les jours plus inquiétants, le chef de l’empire, au lieu de songer à raffermir son trône chancelant, s’occupait de querelles théologiques, et perdait dans ces controverses le temps que réclamait le salut de l’État. L’exil ou la nomination d’un patriarche, les épreuves du feu ou du reliques, moyens employés, dans ces temps de superstition, pour découvrir les volontés du ciel, telles étaient les occupations de ce prince. Heureusement pour lui, la mort le délivra du roi de Naples et du pape. Peu de temps auparavant, Andronic avait su contracter une alliance avantageuse, en épousant Irène, fille du marquis de Montferrat, et nièce du roi d’Aragon, qui venait d’enlever la Sicile à Charles d’Anjou ; mais cette diversion donnait a peine aux Grecs quelque sécurité, lorsque les Turcs s’avancèrent vers les frontières de l’empire. Phillantropène, général habile, courut au-devant de ces barbares, et les battit en plusieurs rencontres, tandis qu’Andronic, au sein du luxe et de la mollesse, occupé de misérables intrigues de cour, depouillait de tous ses biens son propre frère, Constantin Porphyrogénète, prince rempli de mérite, et, sous de vains prétextes, le faisait jeter dans une cage de fer. Ce fut alors, en 1293, que, pour se donner un appui, Andronic associa au trône son fils, le jeune Michel ; unis à ca moment Philantropène, qui depuis quelques années combattait les Turcs avec succès, ayant à se plaindre de la cour, leva l’étendard de la révolte.