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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 13.djvu/165

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dictionnaire à un gros volume in-fol. C’est dans ce format que Nicol. Lloyd le publia à Oxford, 1670, et à Londres, 1686. Ces deux éditions ont été longtemps recherchées ; mais l’ouvrage est tombé dans l’oubli depuis qu’il a été surpassé.

W—s.

ESTIENNE (Nicole), fille du précédent, née à Paris vers l’an 1545, reçut une excellente éducation, et acquit des connaissances assez rares chez les personnes de son sexe. Elle parlait et écrivait en plusieurs langues avec autant de grâce que de facilité, composait des vers agréables, et était douée, dit Lacroix du Maine, d’une gaillardise d’esprit qui charmait tout le monde. Jacques Grévin, médecin de la duchesse de Savoie, l’aima avec passion, et célébra sa beauté dans des vers dont il publia le recueil sous le titre de l’Olympe. Nicole lui fut fiancée ; mais il mourut en 1570, et elle épousa Jean Liébaut. On croit que Nicole mourut dans un âge peu avancé, et plusieurs années avant son mari. Elle laissa, en manuscrit, une Apologie pour les femmes, contre ceux qui en médisent ; des Contre-Stances, ou Réponses aux Stances de Desportes contre le mariage ; le Mépris d’amour, et d’autres poésies (voy : LIÉBAUT, note).

W-s.

ESTIENNE (Henri II), né à Paris, en 1528, annonça des son enfance d’heureuses dispositions pour la littérature. Son père, ne pouvant pas, comme il l’aurait désiré, prendre soin de son éducation, le confia à un professeur pour lui enseigner les éléments de la grammaire. Ce professeur expliquait alors à ses élèves la Médée d’Euripide. Henri, ayant entendu déclamer cette pièce par ses camarades, fut si frappé de la douceur et de l’harmonie de la langue grecque, qu’il résolut de l’apprendre. Il éprouva quelque obstacle à son dessein, de la part du professeur, qui pensait que l’étude du latin doit toujours précéder celle du grec ; mais, heureusement pour lui, son père ne partageait point cette opinion, et il lui fut permis de suivre son goût. Ses progrès furent plus rapides qu’on ne l’espérait ; quelques jours lui suffirent pour acquérir l’intelligence de la grammaire ; on lui mit ensuite un Euripide entre les mains, et comme il ne se lassait pas de le lire, il le sut par cœur avant de le comprendre parfaitement. Il continua ensuite ses études sous le célèbre Pierre Danes, qui lui montra une affection particulière ; il suivit aussi les leçons de Tusan, de Turnèbe, et devint, par leurs soins, en assez peu de temps un très habile helléniste, Henri n’avait montré de l’éloignement pour le latin que parce qu’on voulait le contraindre à l’apprendre : Les notes qu’il publia sur Horace, à l’âge de vingt ans, prouvent qu’il n’avait pas tardé d’associer l’étude de cette langue à celle du grec. Il possédait aussi l’arithmétique, la géométrie, et même avait étudié quelque temps l’astrologie judiciaire, science alors fort à la mode, mais dont il avait bientôt reconnu la futilité. Henri partit pour l’Italie, en 1547, dans le dessein d’en visiter les bibliothèques, et de collationner les manuscrits des anciens auteurs, qu’il

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se proposait de publier par la suite. On croit qu’il y fit plusieurs voyages, puisqu’il dit lui-même avoir demeuré trois ans à Florence, Rome, Naples et Venise. Il en rapporta des copies d’ouvrages précieux, tels que les Hypotyposes de Sextus Empiricus, quelques parties de l’histoire d’Appien, les Odes d’Anacréon, etc. A son retour d’Italie, il visita l’Angleterre et ensuite les Pays-Bas. Il apprit l’espagnol en Flandre comme il avait appris l’italien à Florence, et revint à Paris, en 1551, au moment où son père se disposait à se retirer à Genève. Il paraît que Henri l’accompagna dans cette ville, mais il était de retour à Paris en 1554. Il présenta requête à la Sorbonne pour l’établissement d’une imprimerie, et joignit à sa demande le privilège accordé à son père par François Ier, circonstance qui semble prouver que la retraite de Robert Estienne était volontaire. Il publia ensuite les Odes d’Anacréon avec des notes, les Imitations d’Horace, et une traduction latine, en vers de même mesure que ceux du poète grec. Cette première édition porte le nom de Henri ; on croit cependant qu’elle fut imprimée dans l’atelier de Charles Estienne, et que Henri n’eut une imprimerie à son compte qu’en 1557. Il était à Rome vers la fin de l’année 1554 ; il se rendit ensuite à Naples pour tâcher d’obtenir des renseignements que lui demandait l’ambassadeur de France (Odet de Selves), et il n’échappa à une mort honteuse que par sa facilité à parler l’italien ; de là il vint à Venise, où il s’occupa a collationner d’excellents manuscrits de Xénophon et de Diogène Laërce. Ce fut au commencement de l’année 1557 qu’il publia quelques-uns des ouvrages qu’il s’était procurés avec tant de peines et de soins. Les dépenses considérables qu’il avait faites dans ses voyages avaient épuisé ses ressources, et il n’aurait pu soutenir longtemps son imprimerie, si Ulric Fugger (voy. FUGGER) ne lui eût avancé, de la manière la plus généreuse, les sommes dont il avait besoin. Henri, par reconnaissance, prit le titre d’imprimeur de Fugger, qu’il conserva tant que vécut son illustre protecteur. La mort de son père, arrivée en 1559, lui causa un vif chagrin, qu’il ne put dissiper même en se livrant à l’étude. Il éprouvait une langueur secrète, un dégoût de la vie, maladie peu connue alors, et qu’il se plaint de n’avoir pas trouvée décrite dans les auteurs de médecine. Ses amis lui conseillèrent de se marier, et il se détermina à suivre leur avis. Il loue, en plusieurs endroits, la douceur et les autres belles qualités de son épouse, que Maittaire croit de la famille des Scrimger. Sa santé se rétablit, et il reprit ses travaux avec une nouvelle activité. Son père, en mourant, l’avait nommé l’exécuteur de ses volontés, et lui avait recommandé de prendre soin de ses frères. C’était une charge ajoutée à toutes les autres, et les inquiétudes qu’il en ressentait le privaient du repos qui lui aurait été nécessaire. La profession publique qu’il faisait des principes de la réforme était encore pour lui une source de pei-